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Bientôt 2 euros le litre: pourquoi la flambée du pétrole se répercute si rapidement à la pompe

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Si les prix du baril flambent, ceux des produits finis négociés à la Bourse de Rotterdam connaissent la même tendance, ce qui explique la hausse quasi-immédiate des prix à la pompe.

14 centimes de plus en une semaine pour le gazole. Du jamais vu dans les stations-service en France. Désormais vendu en moyenne à 1,88 euro le litre, le carburant le plus consommé de France est maintenant plus cher que le sans-plomb 95-E10 qui coûte lui 1,87 en euro en moyenne selon le relevé hebdomadaire du ministère de la Transition écologique.

Une flambée du carburant à la pompe qui semble suivre quasiment en temps réel celui du pétrole. En une semaine, le prix du baril de Brent (pétrole de la Mer du Nord) est passé de 98 à plus de 122 dollars. Or l'essentiel du carburant consommé en France provient des pays du Golfe ou du Moyen-Orient. L'Arabie saoudite et le Kazakhstan étant les deux pays fournisseurs de brut à la France selon le ministère de la Transition écologique. Entre l'extraction du brut et l'arrivée du carburant à la pompe, il faut environ une quarantaine de jours selon l'Union Française des Industries Pétrolières (Ufip).

Une hausse du brut devrait donc logiquement se répercuter plus d'un mois après à la pompe. Ce n'est pas qui semble se passer dans les faits. Car les prix du carburant sont indexés sur un autre indice, celui des produits finis cotés les marchés dits spot (matières premières), notamment à Rotterdam pour l'Europe.

+80% en trois mois

"Ce qui compte ce n'est pas tant le prix du baril -qui donne toutefois la tendance- mais le cours du "Platts", celui des produits finis, indique Francis Pousse, le président de la branche carburant de Mobilians (ex-CNPA) et propriétaire d'une station-service dans la Sarthe. Cet indice comme celui du baril est très fluctuant et réagit en fonction de l'offre et de la demande."

Ce lundi 7 mars, ce "Platts" c'est à dire la tonne de gasoil fob (pour "free on board", sans les coûts du fret) à Rotterdam s'échange à plus de 1300 dollars contre 1077 vendredi dernier. Début février, la tonne était à moins de 800 dollars et fin 2021 elle se négociait à 715 dollars. Une flambée de 80% en trois mois!

C'est ce produit qu'achètent les distributeurs et non les barils de brut. Mais le produit fini flambe de la même manière que le brut. Les investisseurs anticipant une flambée à venir dans la foulée du brut achètent massivement du "Platts" et font donc grimper le pétrole raffiné.

Mais comment cette hausse est répercutée sur les prix en stations? La hausse ne se fait pas en temps réel comme celui de la matière première.

"Si les prix des carburants changent fréquemment, ils ne changent pas tous les jours, alors que c’est le cas du prix de la matière première, expliquait la Banque de France en octobre dernier dans une note. En moyenne, le prix des carburants reste fixe pendant environ 5 jours."

La répercution se fait ensuite de manière assez rapide.

"Suite à une variation du coût de la matière première, les prix des carburants s’ajustent progressivement. Il faut en moyenne 11 jours ouvrés pour observer 90% de la transmission d’une variation de coût aux prix et la répercussion totale aux prix des carburants prend environ 20 jours ouvrés, relève la Banque de France. Toutefois, plus de la moitié de la transmission aux prix est déjà effectuée en une semaine."

Pas assez de gazole produit

Si la matière première augmente de 10%, la hausse à la pompe est moindre du fait de la structure des coûts du carburant fortement taxé. Dans l'exemple de la note de la Banque de France, sur 1,45 euro de gazole, la matière première ne représente que 0,45 euro.

Les taxes représentent plus de la moitié du prix du carburant.
Les taxes représentent plus de la moitié du prix du carburant. © Banque de France
"Pour un choc de 1% sur le prix du gazole raffiné, le prix HT du gazole augmente à long terme de 0,75%, estime la Banque de France. Cela se traduirait par une hausse du prix TTC de 0,3% [à la pompe], compte tenu du montant fixe par litre de la TICPE."

Concernant enfin le gazole, la hausse plus forte que celle du sans-plomb s'explique par la forte demande pour ce carburant dans l'Hexagone. En 2021, le gazole représentait encore plus de 77% du carburant consommé selon l'Ufip.

"La demande est très forte pour le gazole qui est utilisé pour les transports et pour le chauffage, indique Francis Pousse. On est en sous-capacité sur ce produit par rapport à notre production. Avec un baril de pétrole, vous faites en gros 50% d'essence et 50% de gazole. Comme en consomme près de 80% il nous faut donc en importer 30%, ce qui coûte plus cher."
Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco