63% des Français veulent être payés plusieurs fois par mois: faut-il mettre fin à la mensualisation des salaires, un progrès social lors de sa mise en place?

Recevoir une partie de son salaire avant la fin du mois. C'est ce que souhaitent près de deux salariés sur trois en France, selon une étude opinionway pour Stairwage, une société spécialisée dans les acomptes sur salaire.
Selon cette enquête, 63% des salariés souhaitent donc ne pas attendre la fin de chaque mois pour recevoir leur rémunération et cette part monte même à 75% chez les actifs de moins de 35 ans.
Leur motivation est d'avoir plus de souplesse financière, de flexibilité et ce afin de faire face à des dépenses imprévues. Pour rappel, plus d'un Français sur cinq affirme être à découvert tous les mois ou presque selon une étude CSA Research.
Pourtant, il existe déjà des solutions pour être payé avant la fin du mois. Peu de salariés le savent, mais les employeurs ont l'obligation de leur verser un acompte à ceux qui en font la demande. Ce verserment peut avoir lieu dès le 15 et correspond à la moitié de la remunération mensuelle.
La loi oblige l’employeur à l'accepter puisque il s'agit des heures de travail déjà effectuées. A la différence de l'avance sur salaire qui correspond au paiement d'heures pas encore effectuées et que l'employeur n'a aucune obligation légale d'accepter.
Si l'acompte est autorisé, il reste très rare dans les faits. Selon la start-up Rosaly, près de huit demandes d'acomptes sur 10 seraient refusés par les entreprises par peur de complication administrative et comptable.
La loi de 1978 sur la mensualisation
Pour faire décoller l'acompte sur salaire en France (une pratique déjà bien implantée aux Etats-Unis), une proposition de loi a été déposée une première fois en mars par le député Ensemble pour la république Jean Laussucq. Le texte a depuis été retravaillé et devrait être soumis à l'Assemblée dans les prochains jours.
L'idée est de permettre de flexibiliser l'acompte sur salaire (limité aujourd'hui à un versement le 15 de chaque mois). Le texte prévoit en effet que les salariés puissent être payés à la semaine (les 7, 14 et 21 de chaque mois), voire qu'ils puissent ne toucher que des acomptes partiels, c'est à dire de ne recevoir en acompte qu'une partie des heures travaillées.
Un cadre légal permettant donc plus de souplesse. Le député ne souhaite pas pour autant entériner la fin de la mensualisation du salaire.
Etre payé chaque mois est en effet un progrès social obtenu après des années de lutte de la part des syndicats desalariés, notamment ouvriers.
La mensualisation obligatoire du salaire a été instaurée par une loi du 19 janvier 1978. Il s'agissait alors de protéger les salariés en neutralisant les effets négatifs des mois plus courts sur la rémunération. Le mois de février qui comporte 28 ou 29 jours est ainsi payé comme le mois de mars qui en comporte 31. Chaque mois de salaire représente ainsi 52/12ème de la durée hebdomadaire du travail. Cette loi permet de lisser la rémunération même lorsque le mois comporte des jours fériés chômés et permet de maintenir le salaire en cas d'arrêt maladie.
La mensualisation a donc des avantages et revenir dessus comporte des risques. Débloquer son salaire trop tôt dans le mois peut entraîner des difficultés à couvrir les dépenses fixes, comme le loyer ou les factures.
Mais c'est aussi un défi pour les entreprises qui doivent réorganiser leur processus de paie, mettre en place une nouvelle gestion des flux financiers, avec les coûts que cela pourrait entraîner.
L'éventuelle future loi se heurtera donc probablement à de nombreux freins.