BFM Business
Economie

"10 ans pour être compétitifs, 10 jours pour ébranler le système": le zèle des sénateurs sur un montage financier fiscal agace Bercy

Le sénateur et rapporteur général du budget Jean-François Husson au cours d'une conférence de presse à Paris le 6 juillet 2023

Le sénateur et rapporteur général du budget Jean-François Husson au cours d'une conférence de presse à Paris le 6 juillet 2023 - Ludovic MARIN © 2019 AFP

La prochaine séance de questions au gouvernement risque d'être tendue au Sénat pour le ministre des Finances, Eric Lombard.

Les tensions montent entre le Sénat et Bercy sur le dossier explosif des "CumCum". En ligne de mire: un manque à gagner fiscal estimé entre 1,5 et 2 milliards d’euros par an et une réforme vidée de sa substance par l’administration.

Jeudi matin, Jean-François Husson, rapporteur général (LR) du budget au Sénat, s’est rendu à Bercy pour un contrôle sur pièces et sur place. Un acte rare, qui traduit la détermination de la commission des finances à ne pas lâcher prise dans cette affaire.

Petit rappel : le "CumCum", c’est ce montage qui permet à des actionnaires étrangers de sociétés françaises de transférer temporairement leurs titres à une banque autour du versement de dividendes, pour échapper à la retenue à la source. Le procédé n’est pas illégal en soi mais peut devenir frauduleux si le seul objectif est l’évasion fiscale.

BNP Paribas, Société Générale, Natixis: plusieurs grandes banques françaises sont régulièrement citées dans l’usage de ces montages. Et la facture pour l’État est salée.

Face à cela, les sénateurs avaient durci le cadre législatif dans la loi de finances 2025. Mais en avril, une instruction fiscale publiée discrètement au Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) est venue saboter la réforme, selon la commission des finances.

Du coté de Bercy, on craint que le correctif du Sénat ne pèse sur l'attractivité de la place financière de Paris.

"Il a fallu dix ans pour construire un écosystème compétitif. Dix jours pourraient suffire à l'ébranler au détour de la discussion du budget", a récemment mis en garde Augustin de Romanet, président de Paris Europlace, dans La Tribune Dimanche.

Résultat : l’ambiance est désormais à couteaux tirés entre le Sénat et Bercy.

"Rien ne les arrête! Je suis pourtant loyal au gouvernement… mais s’ils ne comprennent pas même en allant sur place, j’irai au clash", prévient Jean-François Husson.

Le prochain round aura lieu mercredi prochain, lors des questions d’actualité au gouvernement au Sénat, où le ministre de l'Economie et des Finances, Éric Lombard, pourrait bien passer un sale quart d’heure.

Raphaël Legendre