La France menace de refuser des sociétés cryptos qui ont obtenu la licence Mica dans un autre pays

La France envisagera d'empêcher certaines sociétés de cryptomonnaies agréées par d'autres États membres de l'Union européenne d'opérer dans l'Hexagone à moins que la supervision ne soit confiée au régulateur européen des marchés financiers, a déclaré Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Le gendarme boursier français craint que, dans le cadre du nouveau régime réglementaire de l'UE, les entreprises de cryptomonnaies ne cherchent des États membres qui octroient des licences plus facilement, a détaillé la dirigeante.
Le règlement européen sur les marchés de crypto-actifs (MiCA), un ensemble de règles entré en vigueur le 30 décembre 2024 visant à réguler les marchés de crypto-actifs en Europe, permet aux sociétés du secteur de demander une licence auprès des pays membres de l'UE qui peut ensuite être utilisée comme un "passeport européen" pour opérer dans chaque juridiction.
La France réclame une supervision de l'Esma
Son entrée en vigueur suscite des inquiétudes quant aux différentes approches nationales créant un appel d'air vers certains pays membres jugés moins exigeants pour obtenir ces licences et à la capacité des régulateurs nationaux à superviser efficacement des sociétés complexes aux activités transfrontalières.
Le marché des cryptomonnaies, qui pèse plusieurs milliers de milliards de dollars, pourrait déstabiliser les marchés mondiaux et nuire aux investisseurs en cas de supervision non efficace, ont déjà averti plusieurs régulateurs à travers le monde. La France a intensifié lundi ses efforts pour que les plus grandes sociétés de cryptomonnaies soient supervisées par le régulateur européen des marchés financiers (Esma), se joignant aux appels du pied des régulateurs italiens et autrichiens, selon un document de position.
"On n'exclut pas la possibilité de refuser le passeport. C'est très compliqué juridiquement et ce n'est pas un très bon signal pour le marché intérieur. C'est un peu l'arme atomique mais c'est quand même une possibilité qu'on se réserve", a déclaré la présidente de l'AMF, émettant l'une des critiques les plus virulente jamais formulée par le régulateur.
"C’est maintenant que les plateformes sont en train de faire leur ‘regulatory shopping’ partout en Europe pour essayer de trouver un maillon faible qui leur donnera un agrément avec moins d'exigence que les autres", a-t-elle regretté.
Différences majeures entre les régulateurs
Dans leur document de lundi, l'AMF française, la Consob italienne et la FMA autrichienne ont appelé les législateurs européens à introduire un mécanisme de transfert de pouvoirs à l'Esma.
"Les premiers mois d’application du règlement ont révélé des différences majeures dans la manière dont les marchés des cryptomonnaies sont supervisés par les autorités nationales", ont écrit les trois régulateurs, jugeant qu'une supervision européenne directe protégerait mieux les investisseurs.
Le régulateur financier maltais a fait l'objet d'un examen minutieux concernant son processus d'octroi de licences en début d'année. Une évaluation de l'Esma a révélé que Malte, qui se dit fière de son rôle de précurseur dans les cryptos, n'avait pas suffisamment évalué les risques lors de l'octroi d'une licence à une société du secteur. Les régulateurs français, italiens et autrichiens n’ont pas donné d’exemples de situations où ils auraient interprété les règles différemment. Les entreprises de cryptomonnaies sollicitent actuellement des licences MiCA pendant une période de transition. Le Luxembourg a par exemple accordé une licence à la plateforme d'échange américaine Coinbase et Malte a accordé une licence à Gemini.
La France, l'Italie et l'Autriche ont également appelé à des révisions de MiCA, notamment des règles plus strictes pour les activités des sociétés de cryptomonnaies en dehors de l'UE, une meilleure supervision des risques de cybersécurité et un examen de la manière dont les autorités gèrent les nouvelles offres de jetons cryptographiques. Paris milite depuis longtemps pour que l'Esma ait davantage de pouvoir. Verena Ross, à la tête du gendarme européen des marchés financiers, a déclaré qu'elle accueillerait favorablement cette initiative, mais elle se heurte à la résistance de certains États membres de l'UE.