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Comment Bercy veut faire le ménage chez les influenceurs cryptos

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Une proposition de loi visant à réguler l'activité des influenceurs, notamment dans les cryptomonnaies, sera débattue ce mardi à l'Assemblée nationale. BFM Crypto fait le point.

Le match est serré entre Bercy et l'écosystème crypto. Vendredi, le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire a présenté les conclusions de travaux visant à alimenter une proposition de loi pour encadrer l'activité des influenceurs sur les réseaux sociaux. Cette proposition de loi, dévoilée début janvier, sera débattue en fin de soirée ce mardi à l’Assemblée nationale, après avoir été déjà examinée en commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale mercredi dernier.

Porté par les deux députés Stéphane Vojetta (Renaissance) et Arthur Delaporte (parti socialiste), le texte entend encadrer l'activité des influenceurs dans de nombreux domaines, des paris sportifs en passant par la chirurgie esthétique et les cryptomonnaies. "Nous ne laisserons plus rien passer, aucune dérive, aucun abus, aucune malversation", a déclaré Bruno Le Maire vendredi à Bercy. D'un côté, le ministre de l’Economie veut rendre les influenceurs "plus responsables". De l'autre, le secteur crypto s'inquiète de la mise sous silence des influenceurs cryptos, où les meilleurs vulgarisateurs se mêlent aux plus fins arnaqueurs.

"Aujourd’hui, les utilisateurs s’informent beaucoup sur le web 3 grâce aux réseaux sociaux. Priver les Français de cette information - qui soit juste, précise et complète - les exposerait donc plus facilement aux dérives et arnaques contre lesquelles l'accès à cette "bonne" information leur permettrait de se prémunir", estime Faustine Fleuret, présidente de l’ADAN.

"Elargir cette proposition"

Au départ, la proposition de loi voulait interdire toute promotion de cryptomonnaies ou de projets en lien direct ou indirect avec ces actifs. Mais considérée comme trop stricte, elle a évolué au cours des derniers mois. En l'état actuel, le texte permettrait aux influenceurs de promouvoir des services fournis par des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) agréés par l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Or, pour rappel, aucun PSAN n'est agréé en France, contre 65 acteurs PSAN enregistrés, dont Coinhouse ou encore Binance. Concrètement, cela veut dire que les influenceurs cryptos ne pourront plus parler de ce secteur.

"Pour les PSAN enregistrés qui ont le droit de faire de la publicité sur les services qu'ils fournissent, mais également pour d'autres types d'acteurs qui ne tombent pas dans le périmètre de la règlementation (et n'ont donc pas vocation à être PSAN), il est crucial d'élargir cette autorisation", poursuit Faustine Fleuret.

Son association a proposé la semaine dernière une série de mesures visant à un encadrement des influenceurs - et non pas à une interdiction - comme celles d'imposer aux influenceurs de mentionner les risques de pertes liés aux cryptomonnaies, de ne pas promettre de rendements garantis et infinis ou encore de ne pas s'adresser aux personnes mineures afin de protéger au mieux les utilisateurs.

De même, un récent amendement de cette proposition de loi vise à permettre de promouvoir les 65 PSAN enregistrés par l'AFM. Or ces acteurs "représentent une minorité des projets dans le monde. La plupart des sociétés qui mettent du budget marketing sur France sont des sociétés à l’international, qui ne sont toujours pas en France et ne sont toujours pas régulées", explique à BFM Crypto Owen Simonin, aussi connu sous le nom de Hasheur, l'influenceur crypto le plus connu de France, avec ses 620.000 abonnés rien que sur YouTube.

"Des marges de manoeuvre sont possibles"

Ce dernier regrette que cette proposition de loi ne comprenne pas les sociétés ou projets qui n'ont pas besoin d'être PSAN. "Sorare, Ledger n’ont pas à être PSAN. De la même manière, bitcoin, ether, atom n’ont pas à être PSAN pour pouvoir exercer. Tout va se jouer dans les exceptions: par exemple, je ne vois pas pourquoi un influenceur n’aurait pas le droit de contractualiser avec une société qui n’est pas PSAN", ajoute-t-il. Dans ce contexte, Owen Simonin considère que si le dispositif français est trop punitif, les influenceurs devront partir à l’international. De même, ceux qui commettaient déjà des abus continueront cela, au détriment de ceux qui font de la pédagogie sur les cryptomonnaies.

Le texte sera étudié en première lecture ce mardi à l'Assemblée nationale, avec des discussions jusqu'à jeudi, puis transmis au Sénat. Le secteur crypto ne compte rien lâcher. "Des marges de manœuvre sont possibles d'ici le vote de l’Assemblée nationale", espère Faustine Fleuret.

Pauline Armandet