BFM Crypto
Crypto

"Ce n’est qu’un début": après la réunion avec Retailleau, les entrepreneurs cryptos restent mitigés

Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau à Paris le 16 avril 2025. (Photo d'archive)

Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau à Paris le 16 avril 2025. (Photo d'archive) - Ludovic MARIN/AFP

Plusieurs patrons de l'industrie étaient reçus par Bruno Retailleau ce vendredi pour trouver les moyens d'assurer leur sécurité, à l'heure où ces derniers sont de plus en plus la cible d'attaques.

Le sentiment est mitigé du côté de l'écosytème crypto, dont plusieurs entrepreneurs étaient reçus ce matin par le mininstre de l'Intérieur Bruno Retailleau. Depuis quelques mois, plusieurs patrons de sociétés cryptos (ou membres de leur famille) sont la cible d’attaques en France. La dernière tentative d’enlèvement, finalement mise en échec, a eu lieu ce mardi en plein cœur de Paris contre la fille et le petit-fils du patron de la plateforme d'échange crypto Paymium.

Depuis 2021, 10 agressions de détenteurs de cryptomonnaies (ou d'un membre de leur famille) ont eu lieu dans le pays, dont 4 enlèvements depuis le début de l'année. A l'issue de la réunion à Beauvau, plusieurs mesures visant à assurer leur sécurité seront appliquées, notamment une "collaboration renforcée avec les forces de sécurité intérieure", un accès "prioritaire" au numéro d'appel d'urgence 17 ou encore une "consultation de sûreté à leurs domiciles par les référents sûreté de la police et de la gendarmerie".

"Ce n'est qu'un début"

L'Adan (l'Association pour le développement des actifs numériques) qui représente l'ensemble des acteurs cryptos en France et en Europe, "salue l’engagement et la mobilisation du ministère de l’Intérieur à l’issue de la réunion de ce matin", selon un communiqué consulté par BFM Business.

"Des mesures de court terme indispensables sont désormais sur la table pour répondre à l’urgence sécuritaire. Ce n’est qu’un début. Il faut maintenant bâtir un dispositif pérenne en associant pleinement le ministère de la Justice, Bercy et l’Intérieur. Le secteur attend un engagement à long terme, à la hauteur des enjeux", peut-on lire.

Il est temps de "mettre fin à la diffusion d'idées reçues dans le débat public: les crypto-actifs sont traçables. Les mots ont un sens, et les approximations des conséquences", rappelle le lobby des cryptos.

Présent lors de la réunion, Eric Larchevêque, co-fondateur de la plateforme Ledger (et dont l'associé David Balland a été enlevé il y a quelques mois avant d'être libéré avec un doigt mutilé) a déclaré que la "mobilisation, tant du Ministre que de l’ensemble des autorités présentes, a été à la hauteur des enjeux".

"Ce que je souhaite, c’est d’avoir les moyens légaux de nous protéger nous-mêmes. Dans le respect de la loi, dans l’esprit d’une légitime défense réelle et reconnue", a écrit ce dernier, suggérant plusieurs mesures concrètes, comme celle de supprimer les adresses publiques des dirigeants sur les bases de registres des entreprises. "Personne ne devrait avoir à se cacher ou craindre pour son intégrité pour le seul motif d’avoir réussi", précise ce dernier.

"Un bal de mesurettes"

Certains membres de l'écosystème crypto sont cependant déçus des mesures proposées par le ministère de l'Intérieur. "Priorité d'appel au 17: inutile une fois tabassé, dans une camionnette et débarrassé de son téléphone!", regrette l'expert en sécurité et cryptomonnaies Renaud Lifchitz, évoquant un "bal de mesurettes".

Pour ce dernier, d'autres pistes doivent être explorées pour véritablement assurer la sécurité des patrons dans les cryptos. En outre, Renaud Lifchitz évoque un moratoire sur la règlementation européenne dite Travel Rule (comme demandé par Paymium), un retrait de l'article crypto de la loi narcotrafic, des études d'impact sur les réglementations KYC et AML existantes ainsi que la non divulgation des adresses des personnes physiques dans les registres des greffes du commerce.

Avant la réunion de ce matin, le patron de Paymium, Pierre Noizat, proposait des mesures concrètes de protection, à l'instar d'une "protection temporaire des personnes" en situation d'urgence. "On voudrait juste sortir de l’enfer. Je pense que le ministre a une mission impossible: traiter un problème qui grossit trop vite. Il faut utiliser le pseudonyme, c’est très important", a déclaré ce dernier sur BFMTV ce vendredi. Il semblerait qu'il n'ait pas été écouté.

Pauline Armandet