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Les exportations de matières premières énergétiques continuent de porter l'économie russe

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Malgré des sanctions internationales qui pèsent lourd sur ses finances, la Russie a engrangé d'importantes recettes liées à ses exportations de pétrole, gaz et charbon grâce à une hausse des prix compensant la baisse des ventes en volumes. Cependant, d'autres secteurs d'activité de l'économie nationale souffrent davantage.

L'économie russe se maintient à flot... pour l'instant. Paradoxalement, elle le doit en grande partie à ses exportations de matières premières énergétiques, quand bien même celles-ci sont particulièrement visées par les sanctions internationales prises à son encontre depuis l'invasion de l'Ukraine le 24 février dernier. C'est le principal enseignement d'une étude du think-thank Centre for Research on Energy and Clean Air (Crea) publiée ce mardi et qui s'intéresse aux exportations russes dans ce domaine sur les six mois ayant suivi le début du conflit.

La Chine et l'Inde en importateurs de substitution à l'UE

Le document mentionne notamment plusieurs chiffres pharamineux issus d'une collecte de données détailles sur le commerce des combustibles fossiles russes par pipeline et voie maritime. A commencer par celui-ci: entre le 24 février et le 24 août, la Russie a engrangé 158 milliards d'euros de recettes issues de ses exportations de combustibles fossiles qui auraient contribué au budget fédéral à hauteur d'environ 43 milliards d'euros.

Plus de la moitié de ces revenus proviennent de... l'Union européenne qui a importé pour 85 milliards d'euros de gaz, charbon, pétrole et autres produits pétroliers comme le carburant diesel. Suivent ensuite des pays qui n'ont pas entrepris de sanctions contre la Russie et ont bénéficié de prix réduits de la part d'un fournisseur contraint de vendre sa production: la Chine a importé pour près de 35 milliards d'euros, la Turquie pour un peu plus de 10 milliards d'euros et l'Inde pour 6,6 milliards d'euros.

Le charbon russe déjà délaissé

Ces nombres vertigineux sont le résultat d'une inflation si forte qu'elle a compensé la baisse des volumes exportées. Ils cachent toutefois des évolutions sur ces six mois ainsi que des disparités en fonction des combustibles fossiles considérés. Ainsi, la période février-mars a été beaucoup plus fructueuse pour l'économie russe que l'été durant lequel chaque jour était synonyme de pertes de revenus à hauteur de 170 millions d'euros en raison de la réduction des importations de combustibles fossiles russes. La faute notamment à l'Union européenne qui a fait chuter ses importations de 35%.

Seule une petite partie du futur impact de l'interdiction du pétrole russe par l'UE a été réalisée.

En revanche, la situation est d'ores et déjà beaucoup plus critique pour les exportations russes de charbon. D'une part, l'interdiction d'importation au sein de l'Union européenne est entrée en vigueur depuis le 10 août. D'autre part, la Russie peine à trouver une clientèle de substitution.

Agir sur la consommation de pétrole

Le Crea invite l'Union européenne et le Royaume-Uni à une application plus stricte des interdictions relatives au pétrole alors que la Russie parvient à trouver des moyens de détourner les approvisionnements en or noir.

L'UE doit interdire le recours à des navires appartenant à des Européens ou le transit par des ports européens pour le transport de pétrole russe vers d'autres pays

Alors qu'un nombre croissant de pays membres de l'UE encourage la sobriété énergétique aussi bien auprès des ménages que des entreprises, le think-thank rappelle que la consommation de pétrole et de charbon a augmenté pour pallier la baisse de celle de gaz.

Il est essentiel pour l'Europe d'accélérer les mesures d'économie d'énergie, en ciblant particulièrement la consommation de pétrole et de gaz, et d'accélérer le déploiement des énergies propres, des pompes à chaleur, des véhicules électriques et d'autres technologies pour remplacer les combustibles fossiles russes.

L'automobile, la manufacture et les services dans le dur

Depuis le 24 février, la guerre en Ukraine a coûté à la Russie un demi-milliard d'euros par jour. Et les revenus issus du secteur des combustibles fossiles pourraient bientôt se révéler insuffisants pour préserver l'économie russe qui accuse un taux d'inflation à 15% bien que celui du chômage, à moins de 4%, soit encore correct au vu des circonstances.

Ainsi, le secteur automobile a poursuit sa chute au mois d'août avec une baisse de 62,4% des ventes de voitures neuves au mois d'août par rapport à la même période en 2021. Cet effondrement, qui a débuté dès le mois de mars en répercussion des premières sanctions des pays occidentaux, est aussi la conséquence, plus en amont, d'une production automobile en berne depuis six mois.

L'automobile n'est pas la seule industrie durement touchée en Russie. Il en va de même pour le secteur manufacturier qui souffre d'une forte hausse de ses coûts. En août, les commandes à l'exportation ont chuté pour le septième mois consécutif malgré un rebond de la demande du marché intérieur sur la période. L'inquiétude est la même pour le secteur tertiaire, également en proie à une baisse de ses commandes à l'exportation et une réduction des effectifs au sein des entreprises de services.

Lorsque les prestataires de services ont signalé une baisse de la production, celle-ci était liée à la réduction du pouvoir d'achat de certains clients et à l'impact des sanctions", indique S&P Global.

Le ministère de l'Economie se veut optimiste

Mais tous ces chiffres préoccupants n'entachent pas pour autant l'optimisme du pouvoir russe. Dans une déclaration ce mardi, le ministre de l'Economie Maxim Rechetnikov a déclaré que l'économie devrait se contracter moins fortement que prévu en 2022 et même renouer avec des périodes de croissance trimestrielle l'année prochaine.

La Russie continue à surmonter mieux que prévu les retombées des sanctions occidentales imposées à la suite de son invasion de l'Ukraine en février", a-t-il expliqué.

Le ministère de l'Economie russe envisage désormais une baisse de son PIB inférieure à 3% sur 2022 contre plus de 4% annoncé en août. Une récession qui pourrait remonter à -0,9% l'année prochaine au lieu de -2,7%. Le pays espère renouer avec une croissance aux alentours de 3% dès 2024.

Timothée Talbi