Supprimer les mails pour économiser de l'eau? Pourquoi cette proposition au Royaume-Uni n'est pas très utile

L'Agence de l'environnement britannique incite les citoyens à supprimer leurs anciens mails pour économiser de l'eau. Si l'idée est bonne, son efficacité reste minime.

Une situation de plus en plus préoccupante. Mardi 12 août, l’Agence pour l’environnement (EA) a classé la pénurie d’eau que subit l'Angleterre d'"importance nationale". Le territoire a connu ses six premiers mois de l'année les plus secs depuis 1976. Au total, cinq régions du pays sont touchées par la sécheresse et confrontées à une diminution des réserves d’eau et une baisse des rendements agricoles. 

Face à cette situation préoccupante, tous les moyens sont bons pour économiser la moindre goutte d'eau. Le gouvernement britannique a donc tenu à distiller quelques conseils via un communiqué, repéré par 404media.

Une solution peu efficace

L'Agence de l'environnement incite ainsi les citoyens à installer un réservoir pour collecter l'eau de pluie, à réparer les fuites dès qu'elles se produisent, à prendre des douches plus courtes et surtout... à supprimer leurs anciens mails. Cela permettrait en effet d'alléger la charge des centres de données, très gourmands en eau. "Supprimez les anciens e-mails et les anciennes photos, car les centres de données ont besoin de grandes quantités d'eau pour refroidir leurs systèmes", rappelle le communiqué.

"Des choix simples au quotidien, comme fermer un robinet ou supprimer d’anciens e-mails, contribuent aussi réellement à l’effort collectif visant à réduire la demande et à préserver la santé de nos rivières et de notre faune", déclare Helen Wakeham, directrice de l’eau à l’Agence de l’environnement.

En effet, les centres de données consomment de grosses quantités d'eau pour refroidir leurs équipements. Selon une étude de l'Université d'Oxford, un centre de données relativement petit consomme environ 26 millions de litres d'eau par an. Et plus il fait chaud, plus ils consomment d'eau.

L'IA, plus énergivore en eau et en électricité

Mais en réalité, nettoyer sa boîte e-mail a un impact environnemental limité. En effet, les économies d'eau, et même d'électricité, réalisées restent minimes. Les anciens mails qui traînent sur les serveurs ne représentent qu'une goutte d'eau pour un centre de données par rapport au traitement d'autres données, comme les requêtes d'IA générative. Un rapport publié en début d'année par le Government Accountability Office américain estime que 60 requêtes adressées à un système d'IA consomment environ un litre d'eau, soit environ 1,67 piscine olympique pour les 250 millions de requêtes générées chaque jour aux États-Unis.

Le Forum économique mondial estime de son côté que les centres de données IA consommeront jusqu'à 1,7 billion de gallons d'eau chaque année d'ici 2027. Le PDG d'OpenAI, Sam Altman, a contesté ces estimations, affirmant qu'une requête ChatGPT moyenne utilise "environ un quinzième d'une cuillère à café" d'eau.

La suppression des mails serait d'ailleurs plus énergivore que leur stockage. Selon une étude commandée par McAfee sur l'impact écologique des mails indésirables, "la plus grande source de consommation d'énergie et d'émissions liées aux spams provient des utilisateurs finaux qui consultent et suppriment les spams (52%)". Ainsi, supprimer manuellement ses mails a plus d’impact que de simplement les stocker, puisque cela représente du temps passé devant son ordinateur.

Pour faire un geste pour la planète, les experts conseillent plutôt de réduire le nombre de terminaux numériques en notre possession et de prolonger leur durée de vie. En effet, la fabrication d’un appareil, qui nécessite des ressources importantes comme l’eau ou de l’énergie, représente deux tiers à trois quarts de son impact environnemental.

Salomé Ferraris