Qu'est-ce que Facetune, l'application qui transforme le visage des adolescents

- - Capture d'écran de la chaîne YouTube de James Charles
“Malheureusement, je ne peux pas m’offrir de chirurgie, donc je retouche mes photos”, plaisante James Charles. Pendant plusieurs minutes, le youtubeur beauté de 19 ans divulgue ses conseils à ses 14 millions d'abonnés pour retoucher les selfies. Comme de nombreuses personnalités -dont Khloé Kardashian, le jeune américain utilise l’application Facetune. Rompu à l’exercice, James Charles amincit son cou, élargit sa mâchoire, lisse son grain de peau, ajoute des touches de couleurs pour éclaircir son visage, ses yeux… Tout en ponctuant chacun de ses gestes par: “il faut vraiment que ce soit naturel”.
Sur YouTube, des dizaines de “tuto” comme celui-ci sont en ligne. Alors que la retouche était hier réservée aux professionnels, chaque propriétaire d’un smartphone peut désormais s’en saisir. Facetune offre une telle palette d’options qu’il est possible de transformer radicalement un visage. Dans une vidéo, la youtubeuse Eva Letitia montre ainsi comment ce “photoshop” pour smartphone peut métamorphoser un maquillage (volontairement) raté.
Une démonstration radicale des fonctionnalités de cette application. Loin de la réalité, selon les utilisateurs avec qui nous avons échangé. Tous assurent en avoir un usage modéré. “Avec mon téléphone, les photos sont très nettes donc ça fait ressortir les imperfections”, se justifie Amelia, 23 ans.
“J’utilise Facetune pour “blanchir” mes yeux et mes dents, lisser mes pores ou faire ressortir mon maquillage”.
Elle use mais n’en abuse pas. D’ailleurs, cette habitante de Strasbourg n’a pas opté pour la version payante à 4,49 euros, beaucoup plus complète que la gratuite.
Un idéal inatteignable
Facetune, lancée par la start-up israélienne Lightricks, est un beau succès avec plus de cinq millions de téléchargements sur le Google Play Store. Les chiffres de l'App Store (iOS) ne sont pas connus. Il existe d’autres applications similaires, comme BeautyPlus ou AirBrush, développées par l’entreprise chinoise Meitu, très populaires en Asie.
Mais toutes ont leur côté sombre. L'été dernier, une tribune publiée par trois chercheuses dans la revue JAMA Facial Plastic Surgery a fait grand bruit. Dans ce texte, les spécialistes critiquent l'impact qu'ont les filtres à selfie et les logiciels de retouche photo sur la santé mentale des utilisateurs.
“Cette tendance est alarmante dans la mesure où les filtres appliqués aux selfies font apparaître un physique inaccessible et amenuisent la frontière entre la réalité et le fantasme pour ces patients”, écrivait à l'époque la dermatologue Neelam A Vashi.
Les chercheuses alertent sur les risques du développement d'un trouble de dysmorphie corporelle, ou dysmorphobie. Il s'agit d'une obsession concernant un défaut de l'apparence physique, réel ou imaginaire.
"C'est vrai, j'ai maintenant du mal à ne plus retoucher mes selfies, reconnaît Lena, lycéenne. Mais c'est comme le maquillage. Quand on a l'habitude d'en porter, c'est difficile de se voir sans".
Des logiciels intégrés aux smartphones