L'Union européenne menace d'annuler la loi influenceurs et la majorité numérique à 15 ans

Et si la France s'était pris les pieds dans le tapis en tentant d'encadrer le numérique? Dans une lettre, consultée par L'Informé, Thierry Breton a exprimé sa colère à l'encontre des lois récemment introduites dans le droit français.
Daté du 14 août, le courrier est adressé à Catherine Colonna, la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères. Le commissaire européen s'y emporte notamment contre le texte sur les influenceurs et celui instaurant la majorité numérique à 15 ans.
"Les mesures notifiées semblent enfreindre l'applicabilité directe du règlement sur les services numériques", estime Thierry Breton, qui estime même que "certaines dispositions de ces lois semblent même [le] contredire".
"Des restrictions injustifiées"
Avec le Digital Services Act (DSA) et le Digital Market Act (DMA), l'Europe a mis en œuvre une série de mesures pour contraindre les géants du web. Le premier texte vise à protéger les utilisateurs - principalement des réseaux sociaux - tandis que le second tente de limiter les effets de position dominante.
Thierry Breton assure ainsi que les lois françaises risquent "de fragmenter le marché unique européen que le DSA tend à harmoniser en imposant des restrictions injustifiées à la libre prestation des services (...) qui ne sont pas établis en France".
"Le DSA n'exige ni ne permet aux Etats membres d'adopter des mesures nationales de mise en œuvre en ce qui concerne le domaine qu'il couvre", insiste le commissaire européen.
Surtout, la directive sur le commerce électronique de 2000 implique qu'un intermédiaire du net doit respecter la législation du pays européen où il est établi, et non les lois des pays où ses services sont disponibles, rappelle L'Informé.
"Il y a un vrai risque pour les textes", confie un député de la majorité à Tech&Co.
Un problème de procédure
Enfin, Thierry Breton ne reproche pas uniquement la substance des textes votés. Selon lui, la France n'aurait pas respecté la procédure de notification. Les lois sur les influenceurs et sur la majorité numérique ont été inscrites au Journal officiel sans respecter le délai de statu quo.
Cette disposition force les pays à attendre trois mois pour que l'Union européenne analyse un texte avant qu'il ne soit promulgué. Si les deux lois françaises comportent une clause suspensive, pour attendre l'aval de l'Europe, ce n'est pas suffisant pour Thierry Breton.
Dans sa lettre, il invite ainsi la France à "remédier à cette situation en abrogeant les dispositions des lois promulguées". En soi, cela reviendrait à reprendre toute la procédure depuis le début, souligne L'Informé.
L'existence de cette lettre apparaît alors que l'Assemblée nationale examine le contenu de la loi sur la sécurisation et la régulation de l'espace numérique (SREN). Or, cette loi vise justement à transcrire en droit français les dispositifs européens introduits par le DSA et le DMA. Ce qui pourrait mener à une nouvelle colère de Thierry Breton. Et potentiellement, des textes caducs.