Tech&Co
Vie numérique

Cinquante enquêteurs, des milliers de signalements: comment Pharos fait face à la haine en ligne

placeholder video
Depuis les massacres du 7 octobre, la plateforme Pharos a enregistré plus de 6000 signalement qui ont abouti à 700 interpellations.

Les réseaux sociaux sont-ils devenus un théâtre d'affrontement depuis le 7 octobre, jour de l'attaque du Hamas en Israël? De toute évidence. Des millions de personnes prennent position pour exprimer des émotions ou des opinions. Mais dans ces messages, le nombre de contenus illicites a fortement augmenté, comme nous l'a révélé Pierre (nous ne révélons pas son nom de famille), enquêteur de la plateforme Pharos, que nous avons rencontré sur le salon Milipol.

Plus de 6000 signalements ont été recensés par Pharos menant à 700 interpellation a précisé récemment Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur. Il s'agit de messages de haine, de menaces, de la diffusion d'images ou de vidéos montrant des morts ou des blessés. Ces contenus sont, non seulement choquants, mais surtout répréhensibles par le code pénal.

"Ce qui est important, ce n'est pas seulement de signaler à Pharos, mais aussi ne pas partager ces contenus", prévient l'enquêteur en précisant qu'il est interdit de le faire. "C'est une infraction pour laquelle on peut être poursuivi. Ça s'appelle du happy slapping", rappelle le policier.

"On signale, mais on ne partage pas"

Ce terme anglophone que l'on traduit par "joyeuses gifles", consiste à filmer et/ou de diffuser sur Internet des violences subies par une personne physique. C'est un délit puni par le Code pénal de 5 ans d'emprisonnement et de 75 000€ d'amende.

"Souvent, on a envie de le faire pour dénoncer un message haineux ou des menaces terroristes. C'est exactement ce qu'il ne faut pas faire. C'est comme cela qu'on donne à ce message encore plus de visibilité", explique ce spécialiste, dévoilant une multiplication de vidéos violentes liées au conflit au Proche-Orient. "C'est pareil. On n'a pas le droit de les partager".

Pour réaliser ce travail de fourmi, les enquêteurs de Pharos ne sont pas si nombreux qu'on pourrait l'imaginer. Basés à Nanterre (Hauts-de-Seine), ils ne sont qu'une cinquantaine de policiers et gendarmes - les autorités ont récemment communiqué sur 43 enquêteurs - se relayant pour traiter tous les signalements (apologie de terrorisme, pédopornographie, menaces, etc...) qu'ils reçoivent sur une boîte de réception dédiée. Une fois l'auteur découvert, ces informations sont transmises aux services compétents, selon la nature de l'infraction.

"Ce n'est pas parce qu'on utilise un pseudonyme qu'on peut tout se permettre. Il y a des IP, et même ceux qui utilisent des VPN sont identifiés. On a des moyens techniques et avec des recherches, on retrouve les auteurs des infractions", indique l'enquêteur.

Rester à la pointe de la technologie

Quels outils sont à la disposition de Pharos? Sur ce sujet, les policiers de la plateforme préfèrent rester discrets. "On utilise ceux que la police met à notre disposition. Mais aussi, à force de se former pour rester à la pointe de la technologie, on est plutôt opérants". Cette expérience leur permet de trier les signalements et d'éliminer ceux qui ne sont pas répréhensibles, et dont le nombre reste important.

"Pendant le Covid, on recevait des signalements pour dénoncer des voisins qui sortaient sans masque, ce qui nous faisait perdre du temps", déplore un policier Pharos.

Créée en 2009 par le ministère de l'Intérieur, cette plateforme fait partie de la direction générale de la police judiciaire. Quant à son nom, il fait référence au phare d'Alexandrie sur l'île de Pharos qui, par sa puissante lumière et sa hauteur, guidait les navires. Mais Pharos est aussi un acronyme conçu avec talent: plate-forme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco