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Addiction aux réseaux sociaux: une interdiction aux moins de 15 ans est-elle réaliste?

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Gabriel Attal propose d'interdire l'accès des moins de 15 ans aux réseaux sociaux ou encore d'instaurer un couvre-feu numérique. Mais ces mesures se heurtent à de nombreux obstacles, notamment juridiques.

Des mesures "radicales" pour protéger les jeunes des écrans. C'est ce qu'a promis Gabriel Attal dans une tribune publiée avec Marcel Rufo, pédopsychiatre, dans Le Figaro.

L'ancien ministre de l'Éducation nationale et Premier ministre y détaille une série de mesures "pour éveiller les consciences et tirer la sonnette d’alarme", et notamment une série d'interdictions et de limitations d'accès aux écrans pour les jeunes.

Les limites de la sphère privée

Parmi ces mesures, une interdiction des réseaux sociaux avant l'âge de 15 ans. "De la même manière que nous avons imposé les vérifications d'âge pour les sites pornographiques, nous devons le faire pour les réseaux sociaux", insistent-ils. Ils veulent également mettre en place un couvre-feu numérique pour les jeunes de 15 à 18 ans entre 22 heures et 8 heures du matin.

En parallèle, ils préconisent une limitation à une heure par jour d'accès aux réseaux sociaux, comme le fait la Chine qui réduit l'accès à des sites aux mineurs à 40 minutes par jour. Gabriel Attal et Marcel Rufo souhaiteraient que les plateformes passent en noir et blanc au bout de 30 minutes d'utilisation pour "faire disparaître le circuit de la récompense et la sécrétion de dopamine issus des lumières bleues." Enfin, la taxation des plateformes est envisagée.

Le hic, c'est que ces différentes mesures sont difficiles à mettre en place. En effet, la plupart de ces mesures relèvent de la sphère privée, et notamment de la responsabilité des parents.

"Légiférer dans l'espace privé, c'est compliqué, on ne va pas rentrer dans les familles et interdire", relevait ainsi le psychiatre addictologue Amine Benyamina, co-président de la commission sur les effets négatifs des écrans sur les enfants d'avril dernier.

Et, malgré certaines lois votées, le gouvernement peine à imposer sa volonté aux parents. Pour preuve, le principe de majorité numérique à 15 ans est déjà dans la loi. Mais le décret d'application se fait attendre.

Des obstacles juridiques

Sans doute parce qu'à ce jour, aucune solution entièrement satisfaisante pour vérifier simplement et efficacement l’âge des internautes n’a été trouvée. Selon la Cnil, la majorité de ces solutions sont peu respectueuses de la vie privée des internautes. Elle estime ainsi que le recours aux pièces d’identité est "peu respectueux des données personnelles", mais aussi "peu fiable" à cause du risque d’usurpation d’identité.

Il existe également des limites juridiques. Que cela soit pour le couvre-feu numérique ou la taxation des plateformes, le gouvernement devrait faire voter de nouvelles lois. Un processus souvent long et fastidieux.

D'autant que le gouvernement ne peut pas imposer ses règles sans l'aval de la Commission Européenne. Dans les faits, le France peut uniquement réguler des plateformes installées en France ou n'ayant pas de siège social dans l'Union européenne.

Impossible, dans ce contexte, de venir contraindre des géants comme Apple ou Google, qui gèrent iOS et Android, et donc les outils de contrôle parental ou encore des réseaux comme Tiktok. Les trois entreprises sont installées à Dublin.

Pour imposer ces mesures, la France devrait donc tenter de s'accorder avec des pays qui ont opté pour des règles et des seuils différents et trouver un terrain d'entente sur les dispositions techniques qui seront imposées aux plateformes pour vérifier l'âge des internautes.

De son côté, Gabriel Attal se montre confiant. "Nous n'avons plus aucune excuse (pour imposer la majorité numérique), car les outils existent", assure-t-il dans sa tribune.

En revache, les deux bilans médicaux à la rentrée de 6e puis en seconde pour détecter l'addiction aux écrans préconisés par Gabriel Attal et Marcel Rufo semblent faisables. Ils pourraient être réalisés à la fois par les infirmières scolaires et, en ville, par les infirmières et les médecins.

Salomé Ferraris