Quelles sont les chances que Tiktok soit vraiment interdit aux États-Unis?

Le texte de loi a été adopté à une large majorité de 352 voix sur 432 élus ce mercredi. En attendance la validation par le Sénat, on vous propose d'évaluer les chances pour que Bytedance soit bel et bien tenu de vendre sa filiale américaine dans les six mois, sous peine d’être banni des magasins d’applications américains.
Cela fait déjà plusieurs années que Tiktok est dans le viseur des autorités américaines, de nombreux responsables estimant que la plateforme de vidéos courtes permet à Pékin d'espionner et de manipuler ses 170 millions d'utilisateurs aux États-Unis.
"Laisser Tiktok continuer à opérer aux États-Unis alors qu'il est sous le contrôle du Parti communiste chinois est simplement inacceptable", a commenté l'ancien vice-président républicain Mike Pence dans un communiqué.
Même son de cloche du côté du président républicain de la Chambre Mike Johnson, qui a déclaré que "le vote d’aujourd’hui, qui a réuni des élus des deux partis, montre l’opposition du Congrès aux tentatives de la Chine communiste d’espionner et de manipuler les Américains et constitue un signe de notre détermination à dissuader nos ennemis".
Un argument aussi repris par le républicain Mike Gallagher (Wisconcin) qui est à l'origine de la proposition de loi, déposée le 5 mars en compagnie du démocrate Raja Krishnamoorthi (Illinois).
Ban de Tiktok: une loi qui divise
En revanche, d'autres personnalités ont déjà exprimé leur désaccord vis-à-vis d'une mesure aussi radicale contre une application déjà très bien installée auprès du grand public. C'est le cas de la figure de la gauche radicale et représentante de New York Alexandria Ocasio-Cortez, qui a pointé une loi "incroyablement précipitée".
Au Sénat, le sort du projet est pour le moment incertain et il devra nécessairement obtenir 60 votes en sa faveur sur 100. Le chef de file des démocrates à la chambre haute, Chuck Schumer, a simplement pris acte du vote, mercredi, sans se prononcer sur le texte.
Le sénateur républicain Rand Paul (Kentucky), libertarien affirmé, a d'emblée qualifié sur X cette mesure de "draconienne qui étouffe la liberté d’expression, bafoue les droits constitutionnels et perturbe les activités économiques de millions d’Américains. Cette loi ne protège pas notre nation: c’est un cadeau inquiétant d’une autorité sans précédent au président Biden et à l’Etat de surveillance qui menace le cœur même de l’innovation numérique et de la liberté d’expression aux Etats-Unis".
Même Elon Musk s'est aussi insurgé pour partager sa "sérieuse préoccupation" vis-à-vis du projet.
Joe Biden prêt à signer
Le président américain Joe Biden a déclaré qu'en cas d'adoption au Sénat, il promulguerait ce texte connu officiellement sous le nom de "Protecting Americans from Foreign Adversary Controlled Applications Act" ("loi sur la protection des Américains contre les applications contrôlées par des adversaires étrangers").
"Voulons-nous que TikTok, en tant que plate-forme, appartienne à une entreprise américaine ou à la Chine? Voulons-nous que les données de Tiktok – les données des enfants, les données des adultes – restent ici en Amérique ou aillent en Chine? Le président a une position claire sur cette question fondamentale", a précisé le conseiller à la sécurité nationale de Joe Biden, Jake Sullivan.
Une position surprenante aux yeux des dirigeants de Tiktok, qui avaient vu l'arrivée du Président sur leur plateforme dans le cadre de sa campagne pour un second mandat comme un signe encourageant. Cette nouvelle loi donnerait également au président américain le pouvoir de désigner d'autres applications comme une menace pour la sécurité nationale si elles sont contrôlées par un pays considéré comme hostile aux États-Unis. Une perspective qui ne fait pas unanimité, en particulier du côté des défenseurs de la neutralité du net.
Début mars, Tiktok avait envoyé une notification à des millions d'utilisateurs américains leur demandant de se mobiliser contre l'interdiction en contactant leur élu local. "Les membres du Congrès sont inondés d'appels d'électeurs en colère", peut-on lire dans la presse américaine, à moins de huit mois des élections présidentielles de novembre.
"Les Etats-Unis doivent (...) cesser les pressions destinées à écarter injustement des entreprises étrangères" de leur marché, a fustigé un porte-parole du ministère chinois du Commerce ce jeudi, avertissant que la Chine "prendra toutes les mesures nécessaires" pour défendre ses entreprises.
Ce débat ne date pas pour autant du mandat de Biden et c'est bien Donald Trump dès 2019 qui a initié une guerre commerciale contre Huawei, teintée d'aspirations géopolitiques. Ce lundi, l'ancien président américain Donald Trump (2017-2021) a opéré un revirement en affirmant être opposé à une interdiction de Tiktok, principalement parce qu'elle renforcerait Meta, le propriétaire d'Instagram et de Facebook, qu'il a qualifié d'"ennemi du peuple".