Promotion de la maigreur: sur Tiktok, la tendance "Skinnytok" alerte les spécialistes

Est-on en train de voir arriver une résurgence des "pro-ana", ces influenceuses qui utilisaient, au début des années 2000, leur blog pour faire la promotion de l'anorexie et de l'extrême maigreur? C'est en tout cas ce qu'affirme Martina Papadellis, conseillère du groupe de travail suisse sur les troubles alimentaires, auprès de 20 Minutes.
En cause, la présence de plus en plus systémique de vidéos sur Tiktok, un réseau social prisé des jeunes, associées au hashtag #Skinnytok, "skinny" voulant dire "mince" en français.
Un hashtag qui vient minimiser le problème
Une apologie de la minceur exacerbée, où des jeunes femmes n'hésitent pas à critiquer ouvertement les habitudes de leurs abonnés, mais aussi à donner des conseils pour couper la faim. Cela passe par le fait de boire moins d'eau, manger une demi-portion de nourriture le plus lentement possible pour avoir le sentiment d'être rassasié avec peu. Surtout, il est constamment question, dans ces contenus accessibles à tous, de remettre l'image que l'on se fait de soi-même en question.
Le hashtag "Skinnytok" est d'ailleurs le plus souvent associé à celui de "Skinnygirl" ("fille mince"), preuve que cela s'adresse avant tout aux jeunes femmes, voire aux adolescentes qui utilisent le réseau social chinois.
Mais si ces femmes font la promotion de la maigreur, cela traduit surtout un trouble alimentaire réel, qui est considéré par les spécialistes comme une maladie psychique. Celle-ci peut entraîner de réelles complications à plus ou moins long terme et l'utilisation d'un hashtag vient "minimiser le problème".
"Mange peu pour être mince"
Les discours de certaines influenceuses spécialisées sur le sujet interrogent, comme Marina Zalie, un million d'abonnés, qui prône un mantra ne laissant aucune place à l'interprétation : "Mange peu pour être mince, mange beaucoup si tu veux être grosse."
Essentiellement anglophones, ces créatrices de contenu prônant la maigreur passent donc entre les mailles du filet tenu par la loi française. En 2015 avait en effet été créé un délit "d'incitation à la maigreur excessive". A l'époque, il s'agissait pour le législateur de lutter contre un phénomène né sur internet, et qui consistait à prodiguer des conseils pour être anorexique sans que cela ne se voit.
Les restrictions alimentaires sont évidemment à déconseiller, puisqu'elles peuvent aller jusqu'à entraîner la mort. Martina Papadellis évoque aussi des influenceuses qui ne sont pas forcément sincères avec leurs abonnés.
Lorsqu'elles ne se filment pas, qui peut vraiment dire qu'elles s'en tiennent à leur régime pour rester maigre?
Autant de questions qui doivent alerter les jeunes abonnés à ces comptes, où la norme corporelle n'est pas réaliste ni saine.
De son côté, Tiktok ne censure pas le hashtag en question mais propose une page spécifique - qui apparaît parfois sur certaines vidéos - dédiée aux troubles de l'alimentation.
"Nous n'autorisons pas les contenus qui montrent ou encouragent les troubles de l'alimentation ou les comportements dangereux liés à la perte de poids, ni ceux qui facilitent la promotion ou la vente de produits de perte de poids ou de prise de masse", rappelle le réseau social, auprès de Tech&Co.
Tiktok empêche également que "certains contenus plus matures ou complexes (comme ceux idéalisant certains types de corps) soient visibles par les utilisateurs âgés de 13 à 17 ans".