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Sur TikTok, des femmes gagnent des milliers de dollars en se faisant contrôler par les spectateurs

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Appelées "NPC content", ces vidéos cumulent des milliers de vues et s'avèrent très rémunératrices pour quelques créatrices de contenus.

Sur TikTok, le mot-clé #NPC ("non-player character", "personnage non joueur") cumule plus de 9 milliards de vues. Depuis plusieurs mois, d'étranges contenus se multiplient sur la plateforme, comme l'a observé le média Vice. Des internautes se mettent en scène en prononçant certains mots ou en réalisant des actions brèves et répétitives.

Le terme "NPC" fait en effet référence aux personnages non jouables dans les jeux vidéo, à la voix robotique et aux gestes saccadés. En échange de ce comportement totalement automatisé, elles sont rémunérées par les utilisateurs de TikTok.

"La glace, c'est trop bon"

Parmi ces femmes, une est particulièrement suivie. Il s'agit de Pinkydoll (Fedha Sinon, de son vrai nom). Cette habitante de Montréal de 27 ans rassemble plus de 458.000 abonnés. Elle diffuse des vidéos en direct sur TikTok durant lesquelles elle réagit aux cadeaux des spectateurs, envoyés en direct.

Ces derniers achètent des jetons qui apparaissent sous forme d'icônes à l'écran que les créateurs de contenu peuvent collecter et encaisser en monnaie réelle. Ces offrandes prennent la forme de cornets de crème glacée, de roses, de beignets, ou de cœurs.

Dans ses vidéos, Pinkydoll peut prononcer une dizaine de fois en une minute "Ice cream so good" ("La glace, c'est trop bon", sa phrase devenue fétiche), tirer la langue avec un bruit de bouche, ou pousser la chansonnette.

A chaque fois, elle s'adresse directement à l'internaute qui a envoyé son cadeau virtuel en l'appelant par son prénom. Les mots prononcés font généralement référence à la nature des différentes icônes envoyées en guise de cadeau. Un comportement que certains qualifient de sexualisé, faisant référence à des pratiques fétichistes.

3000 dollars par session

Durant ses vidéos diffusées en direct, Pinkydoll a déjà atteint le million de vues. Quand elle a commencé, elle gagnait 250 dollars par jour et peut désormais atteindre 7.000 dollars quotidiens, a-t-elle déclaré auprès de Vice. Une seule session sur TikTok peut représenter un gain de 3000 dollars, précise-t-elle au New York Times.

"Je pourrais passer mes journées à faire ça, mais je dois aussi m'occuper de mon fils et manger" explique-t-elle au quotidien américain.

Alors que Pinkydoll cumule les audiences, d'autres créateurs de contenus se sont mis sur TikTok pour suivre la tendance. A l'image de Cherry Crush, qui est au départ présente sur la plateforme Onlyfans, réputée pour diffuser des contenus pornographiques payants.

Dans un univers différent, mais sur le même modèle que Pinkydoll, Cherry Crush se met en scène avec une musique en fond et une petite danse. Elle adopte un rythme plus accéléré et enchaîne les onomatopées. Les icônes de glaces, de hot dogs, de cœurs défilent sur l'écran. Comme Pinkydoll, elle décrit chacune des icônes et imagine des gestes en rapport avec ces dernières. Là encore, avec pour but de "dédier" chaque initiative à l'internaute qui l'a rémunérée. Elle cumule 85.000 abonnés.

Le but de ces vidéos est avant tout d'engranger un maximum de vues et de les monétiser. Des internautes ne comprennent pas ce phénomène TikTok et plaident pour la fracture générationnelle: “je dois être un boomer car je ne comprends pas ce qui se passe”, écrit l’un d’eux sur Twitter.

En regardant d’un peu plus près les commentaires de ces vidéos, notamment celles de Cherry Crush, de nombreux émojis explicitement sexuels sont envoyés en masse: des aubergines, des piments. Les icônes payantes sont elles aussi explicites: des glaces, des piments, des hot-dogs.

Les commentaires écrits, pour la plupart rédigés en anglais, mais aussi en allemand, font également échos à des sous-entendus à base de “Yuuuum!” ou de “again” (“encore” en français). Quand d’autres utilisateurs affichent également en direct leur incompréhension.

Une sexualisation pourtant niée en bloc par les principales intéressées. "Ma performance n'intègre rien de suggestif sexuellement. J'ai toujours pensé que c'était simplement amusant et divertissant", tranche ainsi Cherry Crush, auprès du New York Times. "Je me fiche de ce que les gens disent de moi. Au bout du compte, je gagne" résume de son côté Pinkydoll.

Margaux Vulliet