Thierry Breton assure qu’un “cap formel” a été défini pour la modération des contenus haineux en ligne

Invité du Grand Jury sur RTL, Thierry Breton a rappelé à plusieurs reprises le processus législatif unique dont l’Europe fait preuve. Interrogé sur la longueur que prend l’abrogation du changement d’heure au niveau européen, le Commissaire européen au Marché intérieur a rétorqué: “on a une démocratie continentale et c’est dans notre “Sénat” que cela se passe. Je n’interfère pas.”
Même son de cloche sur le sujet de la régulation des plateformes avec l’entrée en vigueur du Digital Services Act (DSA) le 25 août dernier. Thierry Breton fait valoir cette fois-ci un processus abouti et qu’il considère comme un “tournant majeur [qui] est en train de se produire depuis 2 mois”. “Jusqu’à présent, on était dans la main des plateformes, déplore-t-il. Mon rôle est de leur dire 'bienvenue en Europe et voici notre loi'”.
Sur la modération des contenus “pro Hamas”
Depuis août, 19 grandes plateformes comme Meta, X, Tiktok et Youtube sont soumises à des obligations de contrôle plus accru de leurs réseaux. Évidemment, les contenus haineux ou faisant l’apologie du terrorisme sont concernés et ces derniers se sont multipliés depuis “les actes terroristes du Hamas”, constate Thierry Breton. Ce dernier a donc contacté directement les dirigeants des plateformes pour se préparer “face à la déferlante potentielle [de la haine] sur les réseaux”.
“Elon Musk était d’abord étonné qu’on demande des comptes, mais il y a un changement de rapport de force”, précise-t-il. Avant de rappeler que leurs relations “sont très professionnelles”. Les responsables de plateformes ont indiqué mobiliser des moyens supplémentaires immédiats mais 3 d’entre elles seraient en retard sur ces questions de modération. Thierry Breton assure qu’un “cap formel” leur a été soumis et que la possibilité d’une “sanction à 6% du chiffre d’affaires” est envisagée si nécessaire - comme le prévoit le DSA.
D’après les informations qui lui ont été fournies, Tiktok aurait supprimé 500.000 comptes et 4 millions de vidéos “pro-Hamas” ou faisant l’apologie du terrorisme. Meta aurait atteint les 6.000 modérateurs - dont 700 en France - et retire 800.000 vidéos par jour. Twitter serait un peu en retard “mais ils progressent”, défend-il, notamment pour reconstituer les équipes de modération démantelées par Elon Musk depuis son rachat de la plateforme en octobre 2022.
Cap sur l’encadrement de l’IA
“Nous avons le DSA, le DMA, le Data Act qui opèrent une régulation nécessaire de l’espace informationnel et l’AI Act est en phase de validation”, énumère Thierry Breton en faisant le parallèle avec la situation il y a 4 ans lorsqu’il a pris ses fonctions. “Le marché numérique européen était fragmenté et cela nous a fait rater le tournant des plateformes dont le modèle est basé sur les données personnelles”, détaille-t-il.
L’AI Act serait donc un coup d’avance pour mener le train de l’innovation européen sur la bonne voie. Ce dernier se basant sur les risques, il devrait interdire certaines pratiques que Thierry Breton souhaite éviter comme le modèle de social scoring déployé par la Chine ou bien la reconnaissance faciale en médecine. Il s’agit pour lui de “risques systémiques comme dans les banques” qui commencent à se manifester avec la montée en puissance des IA génératives et leur recours à un grand nombre de données.
En juin dernier, le président français Emmanuel Macron avait suggéré que les régulations en cours en Europe pourraient freiner l’innovation. Thierry Breton n’est pas de cet avis et fait valoir l’intérêt du projet “EuroHPC” (l'entreprise commune européenne pour le calcul à haute performance) qui met à disposition 18 supercalculateurs à destination des startups européennes.
Autre dossier en cours: le projet de loi tricolore visant à empêcher les mineurs d’accéder aux sites pornographiques. Thierry Breton estime que “cela va dans le bon sens” mais rappelle encore une fois le besoin “d’harmonisation avec les lois européennes” en vigueur. Les grandes plateformes sont par ailleurs tenues de mettre en œuvre des dispositifs en ce sens dans le cadre du DSA. À partir du 17 février 2024, le DSA s’appliquera à davantage de plateformes et devrait, d’après Thierry Breton, inclure les sites de contenus pour adultes.