IA, cybersécurité, télécom, innovations: Dubaï, nouvel eldorado des start-up françaises

Une année record pour la France. Au Gitex Global 2025 de Dubaï, le plus grand rendez-vous technologique au Moyen-Orient, la représentation tricolore est massive. Plus d’une cinquantaine d’entreprises ont fait le déplacement dans le petit émirat, entre start-up et sociétés plus affirmées. Un record qui illustre parfaitement l'intérêt croissant des représentants hexagonaux pour la région du Golfe. Et, à en croire Christian Pineau, président d’International Boost en charge du Pavillon France, cette présence n’a désormais plus rien d’anecdotique.
"Cette année, nous avons emmené environ 55 entreprises françaises et on a dû en refuser", nous confie-t-il. "L’engouement est tel que certains ont découvert ici une terre d’opportunités qu’ils n’avaient pas imaginée." C’est tout l’intérêt de ce Gitex Global et son pendant startups, l’Expand North Star, qui réunit les jeunes pousses du monde entier sur plus d’une dizaine de halls au bord de la Marina de Dubaï.
Le Golfe persique, haut lieu de la tech mondiale
Situé au carrefour de l’Europe, de l’Afrique et de l’Asie, le Golfe persique, et notamment les Émirats arabes unis (EAU), est devenu un haut lieu de la tech mondiale et un endroit où il faut désormais être. Ce n’est pas sans raison que l’édition 2025 du Gitex rassemble jusqu’au 17 octobre 6.500 exposants, 2.500 start-up et attend plus de 275.000 visiteurs. Avec son espace bien à elle et identifié, la France y tient une place de choix, avec une zone plus vaste que jamais. "On sent que le Gitex est devenu pour nous ce que le CES représente pour les Américains", rigole Christian Pineau.

"Les start-up ne viennent plus ici par hasard ou en touriste. Elles viennent faire du business", souligne celui qui œuvre depuis cinq ans à attirer les pépites françaises à Dubaï et à les accompagner. "Elles s’appuient désormais sur un écosystème local français très structuré." Dans les allées de l’Expand North Star, on croise ainsi une délégation française portée par trois grandes régions (Sud, Auvergne-Rhône-Alpes et Nouvelle-Aquitaine) et un accélérateur privé qui donne de la visibilité à des start-up de la région marseillaise, Zebox détenu par CMA-CGM*. Au Dubaï World Trade Center, le site principal, Orange et bien d’autres sont présents.
Et ce que les entreprises françaises de toute taille viennent chercher dans les Émirats arabes unis et pays voisins, c’est un pragmatisme économique et la réactivité du marché local. Ici, la tech et l’intelligence artificielle sont devenus des piliers stratégiques. Dès 2008, l’émirat d’Abu Dhabi avait apporté son soutien financier aux entreprises tech, notamment celles spécialisées dans les puces électroniques et les technologies émergentes.
Abu Dhabi et Dubaï, les nouveaux hubs IA internationaux
"Personne ne s’attendait à ce que nous devenions un acteur clé dans le domaine de l’IA, mais contre toute attente, nous prouvons aujourd’hui que c’est possible," a ainsi lâché, durant une conférence du Gitex, Omar Sultan Al Olama, ministre d’État émirati chargé de l’Intelligence artificielle. "Nous ne prétendons pas tout savoir, mais nous écoutons et apprenons. Ceux qui viennent aux EAU pour partager leur expertise trouveront une oreille attentive et un engagement réel à mettre leurs conseils en pratique." Et sur sa liste, il y a notamment les start-up françaises à la rencontre desquelles le ministre vient chaque année.
"Dubaï et Abu Dhabi veulent devenir des hubs internationaux de l’intelligence artificielle. Et certaines start-up françaises ont même obtenu un Golden Visa, une carte de résident normalement réservée à des VIP, pour s’y installer", raconte Christian Pineau. Et de noter que les projets français en IA, cybersécurité, informatique quantique, big data ou climat tech sont les plus plébiscités.

Ainsi, la start-up Obo World et son modèle d’IA appliqué aux ressources humaines a tapé dans l’œil de partenaires locaux et a déjà réussi à lever 20 millions d’euros après trois participations. De même, Carbon Saver, finaliste d’un concours international en décarbonation, Immersion4 (refroidissement de serveurs par immersion) ou Everdian (cyberintelligence et IA), demi-finaliste du Supernova challenge, ont fait parler d’eux.
Plus facile de lever des fonds et d’obtenir des aides qu’en France
Ce que les start-up françaises viennent chercher, c’est aussi ce qui leur fait défaut en France: des fonds et des perspectives. "La plupart des entreprises présentes ont obtenu entre 8 et 10 rendez-vous investisseurs dans la semaine", note Christian Pineau. "Je ne connais aucun salon en France où vous pouvez rencontrer mille investisseurs venus de cent pays différents — de la Silicon Valley à l’Afrique. Même au CES de Las Vegas, on ne retrouve pas ça."
Ici, toutes reconnaissent trouver de la visibilité et des financements plus rapides. Elles se font connaître, repérer. En remportant un prix ou même en étant parmi les finalistes, elles gagnent en crédibilité auprès des gouvernements et des fonds du Golfe. Qista et sa borne antimoustique écologique ont ainsi séduit le gouvernement d’Abu Dhabi qui lui a passé un contrat conséquent. Une autre a gagné un concours au Gitex il y a trois et, dans la foulée, a signé avec l’Arabie saoudite et le Qatar.
Mais si le Gitex est un formidable moyen de se mettre en lumière, c’est aussi un test grandeur nature pour les entrepreneurs qui veulent s’aventurer dans la région. Et pour cela, il faut être prêt en arrivant. "Il ne suffit pas de venir avec des cartes de visite. Il faut préparer son pitch en anglais, savoir se présenter en moins de deux minutes, avoir un pitch vidéo d’une minute pour les concours, et surtout savoir ce qu’on veut obtenir", glisse le président d’International Boost, qui donne son trio de conseils clés: répartir ses équipes sur les deux sites du salon, maximiser les rencontres, valider son innovation par rapport à ce qui se fait dans le secteur. Et surtout, "penser au-delà du salon".
"Le Gitex, ce n’est pas quatre jours d’événement, c’est le début d’une aventure", martèle Christian Pineau. "Il faut s’appuyer ensuite sur les relais locaux - Business France, la French Tech, Bpifrance, les CCI - pour transformer l’essai." Car s’ancrer durablement dans la région est le plus difficile et le plus essentiel. "Dubaï offre certes des zones franches attractives, une fiscalité souple et un environnement propice aux partenariats, mais il faut s’y préparer avec méthode", insiste-t-il.
Une mutation culturelle et économique pour la France
Derrière cette présence croissante, c’est aussi une mutation culturelle et économique qui s’opère pour la tech française longtemps centrée sur l’Europe ou les États-Unis. Dans le Golfe, elle trouve sans doute de nouveaux horizons plus ouverts à l’expérimentation, des débouchés plus directs aussi. Car ici, la tech est perçue comme un levier de puissance nationale et les décideurs locaux cherchent activement à investir dans les talents étrangers. "Le Gitex, c’est le lieu où le business se fait. Et pour les entreprises françaises, c’est là que l’avenir se joue", clame le Français qui voit dans cette mutation un véritable signal d’optimisme.

Parmi le contingent français 2025, combien rejoindront les plus de 600 entreprises françaises actives aux Émirats, dans des secteurs très variés, du numérique à l'énergie en passant par le transport ou l’aviation. Il faut dire que la France y est l’un des principaux investisseurs européens, avec près de 4,4 milliards de dollars. En échange, les Émirats vont contribuer à développer un datacenter en France tourné vers l’IA (on parle d’un investissement de 30 à 50 milliards d’euros). Dans le plan Choose France, le Golfe figure parmi les régions sources de capitaux et de coopération technologique avec la France.
Des plans industriels et stratégiques à long terme qui ont la tech à cœur, mais pas seulement, même si les levées de fonds tech en Europe viennent de plus en plus des EAU en échange de fonds français dans des opportunités locales. Et cela offre aux start-up tricolores des projets multiples avec un écosystème fortement structuré et un véritable encadrement hexagonal sur place.
Ainsi, les start-up désireuses de s’implanter pourront compter sur des accélérateurs, des hubs, des communautés et autres facilitateurs d’accès au marché local (French Tech UAE, Business France, etc.). Plus facile parfois que sur ses propres terres, regrettent certains.
*Tech&Co, BFM TV et BFM Business appartiennent également au groupe CMA-CGM