1er-Mai: quels sont vos droits si vous êtes filmé par un drone de la police pendant une manifestation?

Drone (illustration) - Ethan Miller / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP
Manifestations, rassemblements spontanés... Ces événements dans l'espace public pourront désormais être filmés en direct par la police via des drones. Alors que le décret d'application de la loi sécurité intérieure a été publié le 19 avril, les objets volants dotés de caméras pourront être déployés par les forces de l'ordre dès ce weekend.
Si aucune liste précise n'est fixée par le décret - ce qu'a d'ailleurs regretté la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) -, le recours aux drones par la police est possible pour la "prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés", pour assurer la "sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique (...) lorsque ces rassemblements sont susceptibles d'entraîner des troubles graves à l'ordre public", ou encore la "prévention d'actes de terrorisme" et la "surveillance des frontières".
"Tout le monde devient suspect par défaut"
Pour les citoyens, "il est impossible de s'opposer à la captation d'images car le droit à l'image n'est pas considéré comme un droit humain absolu", affirme Sonia Cissé, avocate associée en innovation, technologie & télécom/droit de l'internet, au sein du cabinet Linklaters.
"Offrir une possibilité de s'opposer reviendrait à vider ces technologies de surveillance de leurs sens. En pratique, il serait impossible de trier les personnes ayant acceptées d'être filmées ou non. Par conséquent, tous les manifestants seront filmés: tout le monde devient suspect par défaut", regrette Bastien Le Querrec, juriste et membre de la Quadrature du Net, association de défense des libertés numériques.
Pour les citoyens, un droit d'accès aux images
Au-delà du droit d'opposition pur et simple, les articles 105 et 106 de la loi informatique et libertés permettent tout de même d'exercer un droit d'accès et de suppression des images captées. "Il est possible d'écrire à la préfecture de police afin de demander à ce qu'il vous soit transmis toutes les informations vous concernant, y compris les éventuelles images ayant pu être captées", précise Sonia Cissé. "En revanche, le délai de conservation est de sept jours. Passé ce délai, les images seront supprimées."
Ce droit d'accès "peut être limité dans de nombreuses exceptions, notamment pour protéger la sécurité nationale ou publique. Mais ces exceptions sont tellement larges! En pratique, on peut redouter que la police s'oppose systématiquement aux demandes de droits d'accès ou de suppression", alerte Bastien Le Querrec.
Pour la police, une obligation d'information du recours aux drones
Le recours aux drones par la police est soumis à une obligation d'information à la population. Cela peut se faire par "tout moyen approprié", selon le décret d'application. Le moyen utilisé se fera donc au cas par cas, au regard des circonstances.
"Il peut y avoir des encarts dans l'espace public, comme ceux que l'on connait déjà pour les caméras de surveillances, ou encore une information orale. Pour une manifestation ou un concert, on peut imaginer une annonce par méga-phone ou par enregistrement", illustre Sonia Cissé.
Une obligation d'information jugée insuffisante par la Quadrature du Net. "Il est très difficile de savoir si un encart sera placé au bon endroit, pour être réellement consulté par les manifestants", estime Bastien Le Querrec. "Au-delà de l'obligation d'information, ce genre de surveillance de masse sert à dissuader les personnes de manifester, ce qui est particulièrement inquiétant dans une démocratie."
Trois recours sont en préparation par la Quadrature du Net, La ligue de droits de l'Homme et l'Association de défense des libertés constitutionnelles (Adelico) contre le décret d'application. Ils ont chacun déposé cette semaine un référé-suspension auprès du Conseil d'Etat, qui se prononcera lors d'une audience prévue le mardi 16 mai.