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Quand Nagui réclame 3 millions d'euros à RTL

L'animateur avait mis en place un "montage artificiel" pour payer moins d'impôts

L'animateur avait mis en place un "montage artificiel" pour payer moins d'impôts - AFP Kenzo Tribouillard

SÉRIE D'ÉTÉ: LES STARS DANS LE PRÉTOIRE. Payé 13.236 euros par mois, l'animateur avait été mis à la porte sans indemnités en 2006 après 18 ans de bons et loyaux services. Nagui avait alors attaqué la radio devant les prud'hommes, et avait remporté la première manche.

En juin 2006, Nagui broie du noir. A la télé, il anime juste Taratata sur France 4. Certes, il va tester durant l'été 2006 un nouveau jeu à midi sur France 2, Tout le monde veut prendre sa place, mais peu de monde y croit. Surtout, en radio, il vient de se faire virer par RTL sans ménagement ni indemnités, après dix huit ans de bons et loyaux services, essentiellement à la tête de la tranche 8h30-10h.

Furieux, il décide alors d'attaquer aux prud'hommes la station de la rue Bayard, réclamant 3,36 millions d'euros, dont 2,1 millions d'indemnités pour "licenciement sans cause réelle ni sérieuse". Une somme coquette, mais en rapport avec le généreux salaire touché par l'animateur, que révèle la procédure: 13.236 euros par mois. A cela s'ajoutait depuis 1994 un contrat de prestations de services, de 3.660 euros par an à l'origine.

Avantage fiscal

Nagui prend comme avocat un ténor du barreau, Georges Kiejman. Mais l'affaire s'avère complexe, car Nagui n'était pas en CDI. D'abord, de 1988 à 1994, l'animateur a été employé comme intermittent, via des CDD dits d'usage. Puis, à partir de 1994, Nagui demande et obtient de RTL de ne plus signer ses contrats avec lui en personne, mais avec ses sociétés, Diesair SARL, puis Air Productions. Un changement qui présente des avantages fiscaux pour Nagui, explique Hervé Israël, avocat associé chez Bornhauser: "Cela permet de ne pas payer de charges sociales ni patronales ni salariales, voire pas d'impôt sur les bénéfices dans le cas où la société est en pertes". 

Nagui demande donc la requalification en CDI de ses différents contrats. En face, RTL, arguant avoir signé non avec Nagui mais avec sa société, affirme que c'est au tribunal de commerce de juger l'affaire, et non aux prud'hommes. Nagui rétorque que ce montage avec ses sociétés qu'il a lui-même mis en place était "artificiel"...

Nagui remporte la première manche

Dans un premier temps, les juges donnent raison à Nagui. Pour les prud'hommes:

"Nagui a exécuté son activité professionnelle d'animateur d'émission radio rémunéré par RTL, selon l'organisation matérielle décidée par RTL seule, aux moyens mis en oeuvres par RTL, et selon les instructions exclusives et unilatérales de RTL, RTL s'attribuant le pouvoir de sanctionner le refus de Nagui de poursuivre l'enregistrement ou la diffusion aux conditions éditées par RTL.
Nagui exerçait donc son activité dans le cadre d'un lien de subordination caractéristique d'un contrat de travail.
En conséquences, le conseil de prud'hommes est donc compétent".

Furieuse, la radio fait appel, mais perd à nouveau. La cour d'appel se montre tout aussi ferme dans ses attendus:

"De 1994 à 2006, Nagui a continué à assurer les tâches d'animateur d'émissions de radio suivant une organisation fonctionnant toujours sous la direction, la maîtrise et l'autorité de RTL, laquelle avait le pouvoir de lui donner des directives, de contrôler l'exécution de ses activités, et de sanctionner ses manquements. Nagui exerçait ainsi ses activités en étant placé sous un lien de subordination, en contrepartie d'un salaire, avait le statut de salarié".

Mais, avant même que la cour d'appel ne tranche le montant des dommages, Nagui et RTL finissent par négocier une transaction à l'amiable en 2010. On ne sait donc pas combien Nagui a finalement touché... 

Chambré par ses collègues

En revanche, on sait que l'animateur a poursuivi ses prestations radiophoniques sur Virgin Radio, Europe 1 et enfin France Inter. Selon Capital, la radio publique lui verse 120 à 150.000 euros par an. Un chiffre qui n'a pas été confirmé par l'intéressé. En juin 2016, évoquant sa rémunération sur Inter, Nagui a juste déclaré sur Europe 1: "C'est du bénévolat. On ne peut pas parler de salaire, c'est du défraiement". Une plaisanterie qui lui a valu d'être chambré par ses collègues. Ces derniers ont même alors lancé un appel aux dons sur l'air de We are the world.

Interrogé, le porte-parole de RTL a répondu: "il y eu accord entre les parties", tandis que la porte-parole de Nagui n'a pas répondu.

Jamal Henni et Simon Tenenbaum