Pourquoi la démission de Sheryl Sandberg, numéro 2 de Meta (Facebook), n'est pas une surprise

Sheryl Sandberg dit vouloir se consacrer à sa fondation Lean In. - Laura Cavanaugh - Getty Images North America/AFP
“C’est la fin d’une ère". La réaction de Mark Zuckerberg, patron de Facebook, au départ de Sheryl Sandberg donne le ton. La directrice des opérations (COO) a annoncé sa démission mercredi, dans un long post sur le réseau social. Son départ sera effectif à l’automne mais elle restera au conseil d’administration du groupe, précise-t-elle.
Celle qui se faisait discrète ces derniers mois a pourtant tenu pendant 14 ans un rôle central dans la croissance impressionnante du géant américain. Sheryl Sandberg, âgée de 38 ans à l'époque, a été débauchée en 2008 par Mark Zuckerberg alors qu’elle travaillait chez Google. Le réseau social n’est qu’une petite start-up, lancée quatre ans plus tôt pour l’université de Harvard et pensé comme un simple trombinoscope d'étudiants.
Sa mission: trouver un business model, alors inexistant, pour transformer la jeune pousse en empire publicitaire. Facebook opte rapidement pour un accès gratuit pour ses utilisateurs, tout en monétisant auprès de ses annonceurs leurs précieuses données personnelles à des fins de publicités ciblées. La recette prend, ce qui permet aujourd'hui à Meta de revendiquer plus de 2,8 milliards d'utilisateurs pour un chiffre d'affaires de près de 34 milliards de dollars (environ 29,8 milliards d’euros) en 2021.
Mais ce business model est décrié à partir de 2016, alors que de nombreux scandales éclaboussent Facebook: désinformation via la prolifération des "fake news", soupçons d'ingérences étrangères au cours de diverses élections présidentielles, la retentissante affaire Cambridge Analytica, incapacité à modérer les contenus haineux...
Face aux scandales à répétition, Sheryl Sandberg endosse alors une casquette supplémentaire en gérant les équipes de communication et des affaires publiques. Avec le risque de voir son nom constamment associé aux différentes controverses. Sheryl Sandberg aurait ainsi confié à des proches se sentir épuisée et être devenue le "punching-ball" des problèmes de l'entreprise, rapporte le Wall Street Journal.
"Le débat autour des réseaux sociaux n'a plus rien à voir avec les débuts", a-t-elle souligné dans sa publication sur Facebook. "Dire que ça n'a pas toujours été facile est un euphémisme. Mais c'est normal que ce soit difficile. Nos produits ont un impact immense donc nous avons la responsabilité de les concevoir d'une façon qui protège la vie privée et la sécurité des personnes".
Sheryl Sandberg, critiquée en interne
En interne, la COO s'est vue critiquée au fil des polémiques - notamment suite au scandale Cambridge Analytica en 2018, où Facebook avait admis avoir confié les données personnelles de 50 millions de ses utilisateurs sans leur consentement au cabinet d'analyse Cambridge Analytica, au service de Donald Trump pendant sa campagne électorale et pour le mouvement "Leave.EU" lors du Brexit en 2016. Au printemps 2018, Mark Zuckerberg l'aurait alors blâmé, elle et ses équipes, sur les retombées publiques de l'affaire, selon le Wall Street Journal. Sheryl Sandberg aurait confié à des amis qu'elle se demandait si elle devait s'inquiéter pour son emploi. Le patron de Facebook lui aurait également reproché le manque de moyens alloués à la chasse aux contenus inappropriés sur leurs réseaux sociaux.
Ses méthodes étaient aussi décriées par les employés du groupe, selon une enquête de Bloomberg publiée en 2018. Il lui était reproché de s'entourer de fidèles de confiance pour filtrer les mauvaises nouvelles, de ne pas s'attaquer aux problèmes avant qu'ils ne se transforment en crises publiques et enfin, de les traiter comme de simples problèmes réputationnels plutôt que comme des opportunités de réel changement au sein de l'entreprise.
Dernier accroc en date: une enquête interne a été lancée à son égard en avril dernier pour savoir si elle avait violé les règles de l'entreprise. Cet examen fait suite à plusieurs articles parus dans la presse américaine, révélant qu'elle aurait fait pression à deux reprises sur le tabloïd britannique Daily Mail, en 2016 et en 2019, pour annuler la publication d'un article sur son petit ami de l'époque.
L'ancienne numéro 2 de Facebook a déclaré vouloir se consacrer à sa fondation Lean In, créée après la publication de son livre éponyme sur le rôle des femmes au sein des entreprises. Son poste au sein de Facebook devrait être confié à Javier Olivan, qui évolue au sein du groupe depuis 15 ans. Les marchés ont accueilli froidement ces changements, puisque le titre perdait 2,5% mercredi.