Tech&Co
Tech

Pourquoi il n'y a que des meurtres dans les séries françaises

'Capitaine Marleau' est la fiction qui a réalisé le plus d'audience en 2017

'Capitaine Marleau' est la fiction qui a réalisé le plus d'audience en 2017 - France 3 Pierre Vicarini

Le genre policier représente la moitié des fictions diffusées sur les chaînes publiques. Pour des raisons d'audience, mais pas seulement. Enquête.

"France Télévisions doit expérimenter plus d'audace dans les formats et les programmes. Le genre policier représentent 50% de ses fictions, et même 90% sur France 3. Cela fait monter un sentiment d'insécurité. Surtout, c'est comme si on allait toujours au même restaurant. En France, on manque de fiction jeunesse, ou pour adolescents. Et les fictions historiques ont disparu".

Tel est le coup de gueule lancé mercredi 17 octobre par Sophie Deschamps, présidente de la société des auteurs SACD. Un producteur confirme: "je propose un tas de genres, mais France Télévisions ne prend que des polars, contrairement aux autres chaînes".

Ceci est corroboré par le dernier rapport du CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) sur France Télévisions:

"En 2017, France Télévisions avait indiqué vouloir diversifier les genres de fictions produites (de la comédie à la science-fiction), aller vers des écritures 'plus audacieuses'. La traduction concrète de cette ambition reste à ce jour limitée.
La plupart des fictions demeurent cantonnées au registre policier et ne permettent pas de marquer une réelle différence avec l'offre des chaînes privées. De 20h30 à 23 heures, presque la moitié des fictions sur l’ensemble des antennes relèvent du genre policier ou d’espionnage.
La domination du registre policier laisse trop peu de place à des propositions plus originales et innovantes.
L’offre se caractérise par une trop timide diversification de ses thématiques et de ses écritures
France Télévisions doit moderniser son offre afin de la rendre plus innovante sans abandonner les adaptations littéraires, vecteur de culture après du grand public".

Audience à tout prix?

L'explication est simple: les audiences du polar sont bonnes. L'an dernier, la meilleure audience de fiction toutes chaînes confondues a été un épisode de Capitaine Marleau sur la Trois, avec 7,7 millions de téléspectateurs. Sur la Deux comme sur la Cinq, les meilleures audiences de fiction de l'année ont été des épisodes des Petits meurtres d'Agatha Christie. Sur France 4, la palme revient à un épisode de l'américain Cold case. Même sur France Ô, la fiction qui a fait le plus d'audience a été Meurtres en Martinique.

C'est aussi vrai sur les chaînes privées. Sur TF1 par exemple, la palme est détenue par un épisode de Section de recherches. Mais c'est aussi vrai à l'étranger. En Grande-Bretagne, en Allemagne ou en Italie, ce sont aussi des polars qui arrivent en tête des audiences de l'année, avec respectivement Sherlock, Tatort et Commissaire Montalbano, relève une étude du CNC. "Mais d'autres genres peuvent faire de bonnes audiences, comme le montrent Dix pour cent, les Bracelets rouges ou Good doctor", pointe un autre producteur.

Sophie Deschamps fulmine: "On s'est pris quelques bides d'audience avec des fictions historiques, donc on les a supprimés".

Explications internes

Mais il y a aussi d'autres explications internes. D'abord, un retour de bâton par rapport au passé, notamment la présidence de Patrick de Carolis, qui avait mis à l'antenne beaucoup de fictions en costumes (Chez Maupassant...). Ses prédécesseurs ont donc ensuite voulu diminuer leur part.

Dernière explication: les rivalités internes au sein de France Télévisions. "France 3 a longtemps été interdit de polar, et donc maintenant se rattrape", explique un ancien dirigeant.

Jamal Henni