Ouïghours: Airbnb accusé de proposer des locations au Xinjiang sans respecter la loi américaine

La plateforme de location Airbnb, sur un ordinateur. - Martin Bureau - AFP
La plateforme de location entre particuliers Airbnb propose au moins 14 résidences situées au Xinjiang, révèle le média américain Axios. Cette région abrite historiquement la population ouïghoure, qui fait l'objet depuis plusieurs années de l'opression chinoise, dans le cadre de ce que plusieurs pays ont reconnu comme un génocide.
Une partie des terres du Xinjiang est contrôlée par la Xinjiang Production and Construction Corps (XPCC), une organisation paramilitaire qui est à l’origine de la mise en camp de travail d’au moins un million de personnes ouïghoures. Ce groupe, communément appelé Bingtuan, est l'objet de sanctions aux États-Unis, dans le cadre de la loi Magnitski, qui sanctionne les personnes physiques ou morales ayant violé les principes des droits humains.
Le territoire concerné est détenu en majeure partie par le Bingtuan, dont les relations commerciales avec les États-Unis sont interdites par cette loi. La plateforme Airbnb, elle-même américaine, est donc concernée.

Plus d'une douzaine de logements
Pourtant, par une simple recherche sur le site Airbnb, Axios a révélé que plus d’une douzaine de maisons y étaient disponibles à la location, alors même que la Chine a lancé une grande campagne de publicité pour le tourisme dans cette région.
Une campagne non sans conséquences, puisque les autorités chinoises ont rasé une grande partie du patrimoine ouïghour, à savoir, mosquées, autels, cimetières et autres sites historiques.
Selon Axios, les villages sont ensuite rebâtis sous forme de "villages modèles", avec des hôtels, des restaurants et des boutiques pour touristes. Plutôt que des touristes étrangers, ces opérations ont pour but d’attirer des touristes et potentiels résidents issus de la population Han, majoritaire en Chine.
Le XPCC "pas directement lié"
Airbnb, qui s’est exprimé auprès de Axios, explique que cette situation reste inchangée car les propriétaires des logements de cette région ne pas directement identifiés comme des membres du XPCC. Le groupe n'étant que le propriétaire "foncier", les propriétaires à l'origine de la location ne sont pas inquiétés pas la législation américaine.
"Nous respectons scrupuleusement notre obligation de conformité aux règles du Trésor américain. Les règles de l'OFAC (Office of Foreign Assets Control du Trésor américain) exigent qu'Airbnb mène des vérifications sur les personnes avec lesquelles nous sommes en relation commerciale, c'est-à-dire les utilisateurs de notre plateforme, et non les éventuels propriétaires fonciers des biens loués. ", a déclaré un porte-parole d'Airbnb auprès de BFMTV.
Interrogée sur les logements pointé du doigt par Axios, la plateforme assure que ces derniers, et les hôtes qui y sont associés, ont fait l'objet de ces vérifications.
"La conformité n’est pas une simple histoire de case à cocher. Il y a d’autres considérations à prendre en compte, qui vont au delà de simples transactions d’argent", nuance auprès d'Axios Alex Zerden, anciennement employé au Trésor américain, et ayant travaillé sur la loi Magnitski.
Airbnb sponsor des Jeux olympiques
La vocation touristique est assumée. L'un des hôtes, dans le canton d'Altay, présente ainsi sa location: "venez découvrir l'expérience d'une nouvelle zone rurale du XPCC: l'hôte est un retraité de 75 ans du XPCC". Une autre location se présente comme "une ferme traditionnelle du XPCC".
En outre, un autre paramètre pèse dans le dossier. Airbnb est l'un des sponsors officiels et principaux des Jeux olympiques d’hiver de 2022, qui se tiendront à Pékin. Depuis cette annonce, de nombreux groupes humanitaires, dont Human Rights Watch, font pression sur le site de location pour renoncer à ce partenariat. Plusieurs pays, comme l'Australie, considèrent un boycott de ces Jeux, en raison de la situation humanitaire.
Or, selon des analystes, un pas en arrière de la part de la plateforme mettrait à mal sa situation en Chine, qui n'est déjà pas mirobolante: le pays asiatique ne représente qu'à peine 1% des revenus d'Airbnb, selon le porte-parole de la plateforme interrogé par BFMTV.
"Au cours des 12 derniers mois, l'ensemble des annonces mentionnées par Axios ont eu une activité faible ou nulle sur Airbnb, et 5 de ces annonces n'ont eu aucune réservation", a déclaré la plateforme à BFMTV.
Juridiquement, la situation reste un statu-quo, mettant Airbnb au coeur d'une situation déjà tendue entre les États-Unis et la Chine.