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On a testé l'opéra en réalité augmentée (et ça change tout)

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Au Théâtre du Châtelet de Paris se joue actuellement Cosi fan tutte de Mozart. Un opéra en italien qui peut être suivi dans une autre langue en réalité augmentée.

Vous ne parlez pas italien? Aucun souci. Vous allez pouvoir comprendre tous les chants de Cosi fan tutte, l’opéra de Mozart qui se joue depuis le vendredi 2 février au Théâtre du Châtelet. Et cela grâce à l’arrivée de la technologie dans l’un des lieux culturels les plus prestigieux et historiques de Paris.

Car le directeur du théâtre, Olivier Py, a décidé de moderniser à tous points de vue l’œuvre. Sur scène avec un décor d’appartement et des interprètes transposés en 2024. Mais aussi dans la salle avec l’entrée de la réalité augmentée en soutien. "La technologie ne s’oppose pas au théâtre," clame-t-il à Tech&Co. "Cela va nous permettre de faire venir un autre public, ceux aussi qui souffrent de handicap et qui pensaient que le théâtre n’était pas pour eux", souligne-t-il.

De nombreux théâtres ont pris l’habitude de proposer de la traduction ou le texte en langue originale sur le côté ou au-dessus de la scène, avec des écrans souvent difficiles à lire, car la police est trop petite, mal positionnés selon votre place dans la salle. Mais qui, bien trop souvent, vous sortent de la pièce en essayant de lire sans pouvoir suivre ce qui se déroule sous nos yeux.

Le Théâtre du Châtelet dispose d'écrans de sous-titres au-dessus et sur le côté de la scène
Le Théâtre du Châtelet dispose d'écrans de sous-titres au-dessus et sur le côté de la scène © Tech&Co - Melinda Davan-Soulas

Des lunettes de réalité augmentée sur le nez

Voici donc les lunettes connectées Moverio, conçues par Epson, et portées par le logiciel de Panthea qui vont vous permettre de suivre le texte ou les dialogues du spectacle en surtitrage continu et en temps réel durant la représentation. Il faut environ un mois pour intégrer le texte et le caler parfaitement dans le logiciel des lunettes.

Les lunettes se présentent comme une paire assez classique. Elles sont reliées à un petit boîtier avec écran. C’est celui-ci qui sert de cerveau à l’ensemble. Dessus, l’utilisateur peut choisir la taille du texte, sa couleur (orange, jaune ou blanc), la luminosité, la langue (anglais, français ou audiodescription). Mais surtout, et c’est le véritable atout de l’opération, l’emplacement du surtitrage sur les écrans des lunettes de réalité augmentée.

Les lunettes connectées Epson Moverio
Les lunettes connectées Epson Moverio © Tech&Co

Une différence par rapport à beaucoup d’autres propositions de réalité augmentée qui, si elles permettent souvent de choisir la taille de l’image projetée, oublient souvent d’autoriser l’ajustement du texte à lire. Là, vous pouvez choisir de le mettre en haut des verres, tout en bas, au milieu, selon que vous vouliez les voir au-dessus ou en dessous de la scène que vous regardez.

Cosi fan tutte durant tout de même 3h40, on nous ajoute une toute petite batterie supplémentaire façon carte de crédit à scratcher au dos du boîtier. Cela ne s’avérera gênant en rien. Et cela évite surtout de courir à l’entracte pour se recharger…

Aucune gêne pour profiter du spectacle

Premier constat: les lunettes sont agréables à porter, même si vous en portez déjà. Elles s’ajoutent par-dessus et ne gênent en rien. On finit même par les oublier. Le texte affiché ne bave pas. Il faut dire que la qualité des écrans Oled conçus spécifiquement par Epson aide et s’avère d’excellente qualité pour lire, mais aussi éviter des reflets gênants. Bien évidemment, les entractes seront aussi les bienvenus pour faire une pause et éviter de les avoir 3 heures sur le nez.

Le surtitrage correspond au texte affiché sur les écrans de la salle et est impeccablement synchronisé. Il faut dire qu’il y a en régie une personne chargée de s’assurer qu’il "déroule" en même temps que les dialogues. Cela permettra de ne pas avoir de l’avance si les acteurs sont pris d’un fou rire ou autre sur scène et prennent du retard dans le timing habituel du spectacle. Une personne peut ainsi mettre en pause la diffusion vers les boîtiers et les lunettes.

Le boîtier permet de régler la taille du texte, sa position, la luminosité et la couleur tout en choisissant la langue
Le boîtier permet de régler la taille du texte, sa position, la luminosité et la couleur tout en choisissant la langue © Tech&Co

Notre boîtier du soir propose d’avoir le texte affiché en anglais ou en français. Mais Epson nous explique qu’il est possible d’ajouter autant de langues que souhaité par les organisateurs du spectacle. Le logiciel sait s’adapter et propose de multiples options d’affichage. La version description est assez impressionnante. Elle affiche sur les écrans les dialogues avec le nom des personnages, mais aussi dans une autre couleur, les actions qui surviennent, le style musical et ses changements, la moindre information. C’est rapidement et intuitivement compréhensible, même sans en avoir l’habitude. Et le concept n’oublie pas les malentendants. Il est aussi possible de brancher des écouteurs et d’activer l’audiodescription.

"Il y a une vertu à ce projet. Il va aider des personnes en situation de handicap, soit des handicaps visuels et même des handicaps auditifs. Ça veut dire qu’il y a un rôle d’inclusivité extrêmement important dans cette nouvelle technologie", se félicite Olivier Py.

"On peut même y ajouter une traduction en langue des signes dans les lunettes. C’est une possibilité d’avenir incroyable et ça ouvre un champ des possibles très larges à tous les publics".

La technologie, l'avenir aussi du théâtre

Si les personnes malvoyantes ou malentendantes sont sans doute les premières concernées par le concept, elles ne sont pas les seules. N’importe quel spectateur souhaitant suivre un opéra, une comédie musicale ou même une représentation dans une langue étrangère sera ravie d’en profiter. C’est une autre façon de profiter d’un spectacle vivant sans en sortir. Car c’est surtout là l’avantage de cette expérimentation: s’immerger complètement dans une pièce.

Les lunettes Moverio sont agréables à porter durant un spectacle
Les lunettes Moverio sont agréables à porter durant un spectacle © Tech&Co - Melinda Davan-Soulas

Une vingtaine de paires sont mises gratuitement à la disposition du public durant chaque représentation de Cosi Fan Tutte, il suffit de les retirer au guichet à l’entrée. Olivier Py, qui en avait déjà fait l’expérimentation dès 2017 au Festival d’Avignon, espère pouvoir pérenniser le projet et l’étendre à d’autres représentations au Châtelet.

Et il imagine déjà un futur où des artistes utiliseront pour créer cette technologie "qui paraît un peu surprenante aujourd’hui, mais sera aussi banale que le surtitrage demain." "Tout est à inventer, on est des pionniers de ce qui peut arriver dans le domaine du lien entre le spectacle et le numérique", conclut-il avant d’aller frapper les trois coups de son nouveau projet.

Melinda Davan-Soulas