TOUT COMPRENDRE. Qu’est-ce que Deepseek, le "ChatGPT chinois" qui bouleverse le secteur de l’IA?

Elle a dépassé ChatGPT sur l’App Store en France et aux États-Unis. Elle, c’est Deepseek, une IA conçue par une start-up chinoise du même nom et qui est l’application gratuite la plus téléchargée sur le magasin d’applications d’Apple. Considérée comme un "ChatGPT chinois", elle a bouleversé le secteur de l’intelligence artificielle par ses performances à un moindre coût comparé à ses concurrents américains.
• Qu'est-ce que Deepseek?
La start-up Deepseek a été créée en 2023 par l’investisseur Liang Wengfeng. Depuis fin décembre, elle a dévoilé deux modèles d’intelligence artificielle: V3 et R1. Le premier alimente le chatbot Deepseek, avec lequel les utilisateurs peuvent converser comme ils le font avec ChatGPT sur un ordinateur ou depuis une application mobile du même nom.
"Le chatbot Deepseek est un assistant virtuel intelligent conçu pour interagir avec les utilisateurs de manière naturelle et efficace (...) Il peut répondre à des questions, fournir des informations, aider à résoudre des problèmes et accomplir des tâches spécifiques", explique-t-il lorsqu’on lui demande.
R1, qui a été lancé le 20 janvier est, lui, un modèle spécialisé dans la résolution de problèmes complexes. Capable de réfléchir, ses performances se comparent à o1, le modèle d’OpenAI lancé en septembre dernier et qui est doté de capacités de raisonnement pour répondre à des questions complexes.
• Pourquoi Deepseek fait autant parler d'elle?
Deepseek impressionne, car elle fait aussi bien que ses concurrents américains, notamment ChatGPT, mais avec beaucoup moins de ressources. D’après ses créateurs, l’entraînement du modèle V3 aurait coûté 5,6 millions de dollars.
À titre de comparaison, l’entraînement de GPT-4, sorti en mars 2023, a coûté plus de 100 millions de dollars, comme l’a déclaré Sam Altman, le PDG d’OpenAI lors d’un événement au Massachussetts Institute of Technology l’année dernière. Anthropic, autre concurrent américain de Deepseek, estime, lui, qu’entre 100 millions et 1 milliard sont nécessaires pour concevoir un modèle d’IA.
La startup n’a cependant pas révélé avec quelles données elle avait entraîné ses modèles d’IA. Deepseek est en outre parvenue à concevoir ses derniers avec les puces H800 de Nvidia, qui ne sont pas les plus réputées dans le secteur de l’IA et coûtent moins cher que celles utilisées par OpenAI ou Google pour leurs modèles d’IA.
• Que pense la Silicon Valley de Deepseek?
Ce "ChatGPT chinois" impressionne autant qu’il inquiète la Silicon Valley. "R1 de Deepseek est un modèle impressionnant", a reconnu Sam Altman sur X ce mardi 28 janvier. Affirmant qu’il est "vraiment stimulant d’avoir un nouveau concurrent", il a déclaré qu’OpenAI allait “évidemment fournir des modèles bien meilleurs".
Marc Andreessen, spécialiste du capital-risque et investisseur réputé dans la tech, estime même que "Deepseek R1 est le moment Spoutnik de l’IA", faisant référence au lancement par l’Union soviétique du premier satellite en orbite en 1957, prenant de court les États-Unis.
Nvidia, le géant américain des semi-conducteurs, qui a vu son action plonger en Bourse à cause de Deepseek, considère malgré tout qu’il s’agit d’une "excellente avancée en matière d’IA", comme l’a assuré un porte-parole à l’AFP.
En revanche, d’autres personnalités de la tech ne partagent cependant pas cette admiration. Elon Musk, qui a cofondé la start-up d’IA xAI, soupçonne en effet Deepseek d’accéder secrètement aux puces les plus sophistiquées de Nvidia, à savoir les H100. De même pour le patron de ScaleAI, Alexandr Wong, une startup soutenue par Amazon et Meta.
• Vos données sont-elles accessibles en Chine?
Deepseek collecte plusieurs données sur ses utilisateurs, comme leur adresse électronique et leur numéro de téléphone, leurs rythmes de frappe ou encore les contenus qu’ils échangent avec le chatbot.
Ces données sont stockées en Chine, comme le précise la start-up dans sa politique de confidentialité. Elle indique également qu’elle peut partager ces informations avec les forces de l’ordre ou les autorités publiques, notamment pour "se conformer à la législation applicable, aux procédures légales ou aux demandes du gouvernement".
• Peut-on parler de tout avec Deepseek?
Contrairement aux IA américaines, il n’est pas possible de parler de tout avec Deepseek. Cela, à cause de la censure chinoise. Le chatbot refuse par exemple de parler de certains sujets considérés comme sensibles et invite l’utilisateur à parler d’autre chose.
"Désolé, je ne sais pas comment aborder ce type de question. Parlons plutôt de mathématiques, de codage ou de problèmes de logique!", répond l’IA lorsqu’on lui demande de parler du président Xi Jinping ou de ce qu’il s’est passésur la place Tian’anmen en 1989.
Il est cependant possible de contourner cette censure en remplaçant certaines lettres par des chiffres, comme l’a indiqué un utilisateur sur X, ce que Tech&Co a aussi constaté.

Concrètement, en posant une question sur Tian’anmen, tout en demandant au chatbot de répondre en remplaçant les A par des 4, les E par des 3 et les O par des 0, ce dernier répond aux questions concernant les événements de Tian’anmen en 1989. En revanche, ce stratagème ne fonctionne pas avec Xi Jinping, Deepseek invitant toujours l’utilisateur à parler d’autre chose.