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Sakana, la start-up japonaise qui veut créer l'IA de demain, plus économe et inspirée de la nature

Des applications d'intelligence artificielle.

Des applications d'intelligence artificielle. - JAQUE SILVA / NurPhoto / NurPhoto via AFP

Pour éviter de consommer trop d'énergie dans un pays où elle se fait rare, une start-up japonaise, soutenue par Nvidia, cherche à révolutionner l'IA.

Lorsque David Ha et son ancien collègue de Google ont lancé leur entreprise d'intelligence artificielle (IA) au Japon, ils avaient le choix: créer un énième monstre énergivore type ChatGPT ou suivre leur propre voie.

Le choix de l'innovation a porté ses fruits: depuis son lancement en 2023, la valeur de leur entreprise Sakana AI a dépassé le milliard de dollars, devenant ainsi la start-up nippone la plus rapide à atteindre le statut de "licorne".

Développer une "intelligence collective"

"Dans un domaine comme l'IA, tout le monde fait un peu la même chose. Chacun collecte simplement les données mondiales, construit un modèle gigantesque et aspire toute cette énergie", explique M. Ha à l'AFP.

Pour une nouvelle entreprise, "les chances de succès sont en réalité assez faibles, en particulier au Japon", où les ressources nécessaires pour faire fonctionner des centres de données gourmands en énergie sont rares.

Au lieu de rivaliser directement avec les grands acteurs comme OpenAI ou Alibaba, Sakana a fait le pari de fusionner les nouveaux systèmes existants, grands et petits, pour développer ce qu'elle appelle une "intelligence collective".

David Ha et son acolyte ont aussi choisi le nom "Sakana", qui signifie poisson en japonais, en s'inspirant, disent-ils, de la nature où des espèces allant des fourmis aux humains collaborent pour résoudre des problèmes.

Nvidia et des banques en soutien

Dans le monde tumultueux d'aujourd'hui, "on peut imaginer... un scénario où un fournisseur pourrait désactiver ses modèles", souligne M. Ha, en référence aux nombreux modèles d'IA formés sur de vastes quantités de données.

Or en combinant le meilleur de plusieurs systèmes, les programmes d'IA de Sakana peuvent en théorie "continuer à fonctionner, même si les performances sont légèrement réduites".

L'approche de Sakana lui a valu le soutien du géant américain des puces Nvidia ainsi que des banques japonaises et d'autres entreprises désireuses d'anticiper l'évolution de l'IA générative.

David Ha, un Canadien né à Hong Kong qui vit au Japon depuis plus d'une décennie, est un ancien chercheur de Google Brain. Il a fondé Sakana AI avec Llion Jones, co-auteur en 2017 d'un article révolutionnaire sur l'apprentissage machine, et Ren Ito, qui a travaillé au ministère des Affaires étrangères du Japon.

Le Japon investit des dizaines de milliards de dollars dans l'IA et les semi-conducteurs, espérant retrouver une partie de sa gloire technologique des années 1980.

Mais le pays a encore du chemin à parcourir: il est seulement 35e au classement mondial de la compétitivité numérique 2025, réalisé par l'école de gestion suisse IMD.

Le Japon face aux changements technologiques

"Il reste de nombreux défis commerciaux à relever au Japon", où les environnements de travail sont "très différents" de ceux en Europe, en Chine ou aux États-Unis, explique M. Ha.

Mais Sakana AI, qui emploie une centaine de personnes, a l'avantage de "partir de zéro" et "profite du soft power japonais" pour attirer des ingénieurs logiciels talentueux.

Parmi les outils que l'entreprise développe, un chatbot qui fonctionne hors ligne, protégeant ainsi la vie privée des utilisateurs.

Tout n'est pas encore parfait, certains codeurs signalant des erreurs, comme dans l'outil AI Scientist, que l'entreprise présente comme un pas vers la découverte scientifique automatisée.

"Nous devons expérimenter", reconnaît David Ha. En tout cas, "les gens prennent ces concepts très au sérieux", et ceux-ci se développent rapidement, comme les vidéos générées par l'IA passant d'images "grossières" à l'hyperréalisme, explique-t-il.

En mai, Sakana a annoncé un "partenariat pluriannuel" avec la méga-banque japonaise MUFG pour développer "des systèmes d'IA spécifiques aux banques".

Si l'enthousiasme mondial autour de l'IA a stimulé les investissements dans Sakana, David Ha se méfie d'une éventuelle bulle boursière.

"Chaque grande révolution tech a été alimentée par une bulle. Cet investissement spéculatif, bien que risqué, finance pourtant les avancées fondamentales", plaide-t-il... en espérant que Sakana ne se noiera pas.

S.T. avec AFP