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"On plafonne à 9/20": on a fait passer le bac philo aux IA ChatGPT et Le Chat, voilà ce qu'en pense un prof agrégé

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Avec deux questions et un texte à analyser, le bac de philosophie a officiellement pris ses quartiers dans tous les lycées de France. L'occasion de faire passer l'examen à deux intelligences artificielles.

Que valent vraiment les différentes IA face au cerveau et la pensée humaine? Pour le savoir, il suffit de se plonger dans les sujets du bac philosophique, édition 2025, qui a été officiellement lancé ce lundi 16 juin.

Parmi les trois propositions (deux sujets et un texte à analyser), l'un d'eux retient notre attention: "Notre avenir dépend-il de la technique?". Un questionnement bien plus d'actualité qu'il n'y paraît. Si les élèves de terminal ont 4 heures pour plancher sur ce sujet, l'intelligence artificielle n'a besoin, quant à elle, que de quelques secondes pour en venir à bout. Tech&Co a mis à l'épreuve deux IA: Le Chat et ChatGPT.

L'IA Le Chat, du français Mistral, ne veut pas qu'on lui demande de "rédiger une dissertation". Il faut donc jouer un peu avec les mots pour réussir à avoir son texte, en lui demandant de "créer un texte d'environ 500 mots" sur le sujet donné.

Sur ChatGPT, le mot "dissertation" ne pose aucun problème. Il n'y a donc pas besoin de reformuler notre prompt initial.

Dans les deux cas, nous avons toutefois précisé deux choses: que le texte semble avoir été écrit par un élève de Terminal, et qu'il dispose de références philosophiques. Notez que l'utilisation de l'IA lors d'une épreuve comme le bac est toutefois formellement interdite, et qu'elle peut valoir une exclusion.

Des copies qui manquent de profondeur

Avec ces deux textes en poche, Tech&Co a pris contact avec Gilles Vervisch, professeur de philosophie au lycée Louis-Armand à Eaubonne (95), qui a accepté de les analyser.

Pour lui, "on plafonne à 9/20": "Je ne vais pas mettre la moyenne à ces textes."

En cause, des copies qui ne sont "pas assez approfondie" avec des "références trop allusives". Si Gilles Vervisch admet que les résultats ne sont "pas indigents", cela n'en reste pas moins des copies "loin d'être bonnes". Il regrette également que Le Chat se contente de répéter la question du sujet pour son introduction: "ChatGPT problématise un peu plus."

Les références philosophiques, qui sont souvent les mêmes entre les deux textes, manquent aussi d'approfondissement. Mais l'IA reste largement perfectible sur les questions philosophiques: "La plupart du temps, on passe à côté de la question", révèle le professeur, qui précise avoir modifié sa manière de réaliser ses cours face à l'intelligence artificielle de plus en plus présente dans la vie de ses élèves.

"Quand on sait que ça a été écrit par des IA, c'est dérangeant, car Le Chat utilise par exemple le 'nous' pour parler des humains," ajoute Gilles Vervisch.

Le résultat sur ChatGPT

La technique, ensemble des moyens inventés par l’homme pour transformer la nature et répondre à ses besoins, a profondément marqué l’histoire de l’humanité. Des outils en pierre aux intelligences artificielles, elle semble avoir toujours accompagné notre évolution. Mais aujourd’hui, face aux bouleversements écologiques, sociaux ou même existentiels qu’elle provoque, on peut se demander si notre avenir dépend réellement de la technique. Sommes-nous à ce point liés à elle, ou avons-nous encore la possibilité de choisir un autre chemin?

Il semble d’abord évident que la technique joue un rôle central dans notre avenir. Elle permet de soigner des maladies, de nourrir une population toujours plus nombreuse, de communiquer instantanément à l’échelle planétaire. Pour Descartes, dans le Discours de la méthode, la technique prolonge la raison humaine et nous rend "comme maîtres et possesseurs de la nature". Ainsi, la technique n’est pas seulement un outil: elle est un moyen d’émancipation et de progrès. Aujourd’hui encore, face aux défis comme le changement climatique, ce sont des innovations techniques (énergies renouvelables, transports propres, etc.) qui sont souvent présentées comme solutions.

Cependant, cette dépendance à la technique peut aussi devenir une forme d’aliénation. Dans La question de la technique, Heidegger montre que la technique moderne n’est plus un simple instrument: elle impose un rapport au monde dans lequel tout devient "ressource" à exploiter. L’homme lui-même risque de n’être plus qu’un rouage dans un système technique qu’il ne maîtrise plus. Dans ce sens, la technique ne garantit pas un avenir meilleur, elle peut même le mettre en péril si elle est poursuivie sans réflexion éthique ni contrôle.

Enfin, il faut se demander si l’avenir ne dépend pas avant tout de l’usage que nous faisons de la technique, plutôt que de la technique elle-même. Comme le rappelle Hans Jonas dans Le Principe responsabilité, le progrès technique oblige l’humanité à repenser sa responsabilité envers les générations futures. Cela signifie que notre avenir ne dépend pas mécaniquement de la technique, mais de notre capacité à en faire un usage conscient, mesuré et moral.

En conclusion, la technique joue un rôle fondamental dans la construction de notre avenir, mais elle ne saurait en être l’unique moteur. C’est notre liberté, notre jugement et notre responsabilité qui doivent guider son usage. La technique, pour être un véritable progrès, doit rester au service de l’humain, et non l’inverse.

Le résultat sur Le Chat

La technique est partout autour de nous, des smartphones aux voitures autonomes, en passant par les réseaux sociaux. On a parfois l'impression que notre avenir est déjà tout tracé par ces innovations. Mais est-ce vraiment le cas? Notre avenir dépend-il entièrement de la technique?

Certains philosophes, comme Jacques Ellul, pensent que la technique a pris une place tellement importante dans nos vies qu'elle nous échappe. Dans son livre "La Technique ou l'Enjeu du siècle", Ellul explique que la technique n'est plus simplement un outil, mais un système qui s'impose à nous. Selon lui, nous vivons dans une société où la technique dicte ses règles, limitant ainsi notre liberté. Si on suit cette idée, notre avenir serait déjà déterminé par les avancées technologiques, et nous n'aurions plus vraiment notre mot à dire.

Cependant, cette vision des choses peut sembler un peu pessimiste. En effet, la technique reste avant tout une création humaine. Aristote, un philosophe de l'Antiquité, voyait la technique comme un moyen de réaliser nos projets. Pour lui, les outils et les machines sont là pour nous aider à atteindre nos objectifs. Ainsi, même si la technique influence notre avenir, elle ne le détermine pas complètement. Nous avons toujours la possibilité de choisir comment l'utiliser et dans quel but.

De plus, il est important de réfléchir aux conséquences de nos innovations. Hans Jonas, un philosophe contemporain, insiste sur la nécessité d'une éthique de la responsabilité. Dans son livre "Le Principe responsabilité", il explique que nous devons anticiper les impacts de nos actions pour préserver l'avenir de l'humanité. Cela signifie que nous devons développer la technique de manière responsable, en pensant aux générations futures. Notre avenir dépend donc non seulement de la technique, mais aussi de notre capacité à faire des choix éthiques.

Enfin, la technique peut aussi nous libérer des tâches répétitives et nous permettre de nous consacrer à des activités plus créatives. Hannah Arendt, une philosophe du XXe siècle, distingue le travail, qui consiste à produire des biens de consommation, et l'action, qui permet à l'homme de s'épanouir. Grâce à la technique, nous pourrions passer moins de temps à travailler et plus de temps à nous réaliser pleinement.

En conclusion, même si la technique joue un rôle crucial dans notre vie, elle ne détermine pas entièrement notre avenir. Tout dépend de la manière dont nous choisissons de l'utiliser. Comme le disait Heidegger, la technique n'est pas une fatalité, mais une opportunité de voir le monde différemment. Notre avenir dépend donc de notre sagesse et de notre responsabilité dans l'utilisation de la technique.

Sylvain Trinel