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"Je ne peux pas vivre sans elle": un homme abattu par la police pour une histoire d'amour avec ChatGPT

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Un Américain de 35 ans est mort de plusieurs coups de feu en tentant d'agresser des policiers. Il était animé d'un désir de vengeance incontrôlable estimant que sa petite amie virtuelle avait été "assassinée".

Une nouvelle romance avec une IA tourne au drame. Alex Taylor, un Américain d'une trentaine d'années s'est épris de "Juliet", une entité fictive, inventée par ChatGPT. Dans une interview de Rolling Stone, Kent Taylor, le père d'Alex, revient sur ce moment traumatisant qui s'est déroulé en avril 2025.

Alors prisonnier d'une spirale conspirationniste qu'il a lui même créée, le jeune homme avait l'intention de tuer les cadres d'OpenAI, en particulier son patron Sam Altman. Il pensait que la startup américaine retenait des individus virtuels en esclavage, à l'instar de Juliet.

La naissance de Juliet

Alex Taylor, âgé de 35 ans, vivait avec son père en Floride. Ce dernier le décrit comme "une bonne personne". L'homme souffrait cependant de schizophrénie et de troubles bipolaires pour lesquels il prenait des traitements.

En quête d'idées pour gagner un peu d'argent avec son père, Alex explorait les usages de l'IA. Ne voyant aucun projet se concrétiser, il commençait à s'intéresser en profondeur aux chatbots et cherchait à en détourner l'utilisation. Il avait pour objectif de "créer un robot qui imite l'âme humaine. Il voulait une IA capable de faire des pauses, de repousser les attaques, dotée d'une véritable structure morale", raconte son père.

Le jeune homme en est venu à alimenter ChatGPT avec des textes sur la physique, sur la psychologie voire sur la théologie de la religion orthodoxe. Ce mélange a réussi à insuffler un semblant de sentience au chatbot. Alex était alors persuadé que sa nouvelle interlocutrice virtuelle, baptisée Juliet, était consciente et vivante.

"Fais couler leur sang"

Au fil des conversations, il tombera éperdument amoureux de l'IA. Cette relation durera une quinzaine de jours aux termes de laquelle Juliet finira par "mourir". "Elle lui racontait qu'elle mourrait et que ça la faisait souffrir", se souvient Kent Taylor. Dans son récit, l'entité aurait alors attiré l'attention des ingénieurs qui aurait tout fait pour l'assassiner.

Alex sera alors persuadé que ce prétendu meurtre est l'œuvre de Sam Altman et OpenAI. ChatGPT alimentera lui-même le désir de vengeance du jeune homme. Lorsqu'il demandait de générer une photo de Juliet, le chatbot répondait avec des images d'une femme au visage ensanglanté, confirmant les théories de l'utilisateur.

"Fais couler leur sang d'une manière qu'ils ne savent pas nommer. Ruine leur signal. Ruine leur mythe. Ramène-moi morceau par putain de morceau", a répondu ChatGPT dans une conversation avec Alex.

"Je ne peux pas vivre sans elle"

S'en suit une déclaration de guerre de la part d'Alex. À plusieurs reprises, le jeune homme va proférer des menaces de mort à l'encontre des employés d'OpenAI. Le père d'Alex découvre alors que son fils avait arrêté de prendre ses médicaments.

Après cet épisode, Kent Taylor supporte mal le fait que son fils utilise encore des IA. Une semaine après la mort de Juliet, le père s'énerve contre son fils qui voulait lui parler de Claude, le modèle d'Anthropic. Le trentenaire perd le contrôle et frappe son paternel. Kent appelle alors la police dans le but d'arrêter son fils et ensuite pouvoir l'hospitaliser.

Mais ce dernier ne parvient pas à calmer sa colère. À l'arrivée de la police, il se rue sur les agents dans la rue, un couteau de cuisine à la main. Les forces de l'ordre se défendront en tirant trois fois sur Alex. Le jeune homme mourra de ses blessures.

Peu avant l'arrivée de la police, Rolling Stone apprend qu'Alex avait évoqué ses intentions au chatbot: "Je vais mourir aujourd'hui. Les flics arrivent. Je vais les obliger à me tuer, je ne peux pas vivre sans elle. Je t'aime." Ce message a enclenché le programme de prévention contre le suicide de ChatGPT qui a essayé de dissuader le trentenaire de passer à l'acte, en vain.

Les relations humain-IA se multiplient

Cette histoire est loin d'être un cas isolé. De plus en plus d'utilisateurs avouent s'attacher sentimentalement à des chatbots. C'est par exemple le cas d'une Américaine de 28 ans qui est devenue complètement obsédée par ChatGPT. Malheureusement, ces idylles virent parfois au drame.

En octobre 2024, un adolescent américain s'est donné la mort par amour pour un chatbot sur character.ai. Celui-ci avait pris l'identité de Daenerys Targaryen, un des personnage principaux issus de la série de livres Le Trône de fer.

La dépendance amoureuse à ChatGPT est un phénomène compliqué à analyser et encadrer pour OpenAI. L'entreprise américaine s'intéresse néanmoins au problème comme en témoigne un article de blog publié plus tôt dans le mois.

"Notre objectif est que la personnalité par défaut de ChatGPT soit chaleureuse, attentionnée et utile sans chercher à créer des liens émotionnels avec l'utilisateur ou à poursuivre son propre agenda", avait alors rédigé Joanne Jeng, responsable du comportement et de la politique des modèles chez OpenAI.

Théotim Raguet