Google renonce à son projet controversé d'une version censurée pour la Chine

- - Alastair Pike / AFP
Google a fini par céder. Face à la polémique, le géant du Web assure désormais avoir abandonné son projet d’une version censurée de son moteur de recherche destinée au marché chinois. Celle-ci aurait filtré les mots clés et les sites Internet interdits par Pékin. La révélation de son élaboration avait suscité de très vives réactions chez ses salariés et au sein de la classe politique américaine.
Accusé de trahison
"Le projet Dragonfly a pris fin", a indiqué, sans plus de détails, Karan Bhatia, le vice-président de Google en charge des politiques publiques, au cours d'une audition organisée mardi par une commission du Sénat américain. "Nous ne prévoyons pas de lancer notre moteur de recherche en Chine, a ensuite confirmé un porte-parole de la société. Les équipes ont été redirigées vers d’autres projets".
Cette annonce intervient quelques jours à peine après les violentes attaques lancées par Peter Thiel. Figure historique de la Silicon Valley, le co-fondateur de PayPal avait accusé l’entreprise de trahison au profit de la Chine. Et avait réclamé l’ouverture d’une enquête par la CIA et le FBI. Un appel immédiatement relayé par Donald Trump, toujours partant pour attaquer Google.
Selon des documents internes publiés l’an passé par le site The Intercept, la version chinoise de Google devait se plier aux exigences de la censure gouvernementale. Ainsi, pour certaines recherches sensibles, aucun résultat ne devait s’afficher. Pour d’autres, des informations devaient être passées sous silence. Par exemple, une recherche sur la place Tiananmen n’aurait donné aucun résultat sur le massacre étudiant de 1989.
800 millions d'internautes
"Nous tenons à notre mission de fournir de l’information au monde entier, et la Chine représente 20% de la population mondiale", avait justifié, fin 2018, Sundar Pichai, le directeur général de Google. Selon lui, la version chinoise aurait pu "répondre à plus de 99% des recherches" et "fournir une information de meilleure qualité que celle qui est actuellement disponible". Et la censure? "Nous devons respecter la loi dans tous les pays", avait-il rétorqué.
Google a quitté la Chine en 2010 avec fracas. Après quatre ans dans le pays, le moteur avait conquis 36% des parts de marché, face au concurrent local Baidu. Sa décision avait été motivée par la découverte, fin 2009, d’une vaste opération de piratage, visant notamment les boîtes mails de défenseurs des droits de l’homme et d’activistes tibétains. Depuis 2010, son moteur de recherche et la plupart de ses services (Gmail, YouTube…) sont bloqués.
Google avait ainsi placé le rejet de la censure devant les opportunités commerciales. La nouvelle direction est cependant beaucoup plus pragmatique. Et le groupe ne faisait plus mystère, ces dernières années, de son intention de retrouver le marché chinois. Car la Chine représente un immense potentiel: c’est le pays qui compte le plus d’internautes au monde, avec plus de 800 millions de personnes connectées. 2,5 fois plus qu’aux Etats-Unis.