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Le créateur du mythique jeu Flashback évoque sa suite, prévue pour cette année

Flashback

Flashback - Delphine Software

Paul Cuisset, le créateur de Flashback, est revenu sur le succès et l’aura du jeu qui perdure 30 ans plus tard. Et sur les retrouvailles pour bientôt avec Conrad, son héros amnésique.

C'est l'histoire d'un jeu français, créé avec passion par une petite dizaine de personnes, au sein d'un studio désormais disparu, mais qui marqua à jamais les esprits de ceux qui ont posé les mains dessus. En 1992 sort Flashback, nouveau titre de Delphine Software auquel on doit un an auparavant Croisière pour un cadavre et Another World, créé par Eric Chahi.

En quatre ans, le studio parisien se forge alors une place sur la scène vidéoludique internationale. Fondé en 1988 par Paul de Senneville et Paul Cuisset, Delphine Software fait souffler un vent nouveau au milieu des mastodontes qu'étaient alors Mario côté Nintendo et Sonic chez Sega.

Le titre Flashback va venir secouer tout cela, pensé comme un jeu de plateforme d'action-aventure futuriste, avec un personnage aux mouvements plus réalistes, un suivi en caméra latérale et les déplacements du héros inspirés de Prince of Persia.

Se réveillant au milieu d'une jungle étrange, face à un hologramme de lui-même lui intimant l'ordre de stopper un complot interplanétaire, Conrad, scientifique amnésique, tente aussi de rassembler des fragments de sa mémoire pour comprendre ce qui lui est arrivé.

Un jeu futuriste et réaliste en décalage avec son époque

Interrogé sur France Inter, son créateur Paul Cuisset se souvient de la volonté à l'époque de "faire quelque chose de nouveau" pour la console Mega Drive qui déboule alors dans les salons. "Ma première idée, c'était de transposer l'histoire du Parrain dans le futur", confie-t-il. Le projet, jugé trop décalé, n'aboutira pas. Mais Flashback voit le jour.

Trois décennies plus tard, les joueurs les plus anciens évoquent toujours Flashback avec des étoiles dans les yeux et une nostalgie palpable. Avec son ambiance à la Philip K. Dick, ses influences cinématographiques de l'époque (Total Recall, Blade Runner...) et sa jouabilité différente (il fallait anticiper ses actions pour mieux les enchaîner, avec une certaine latence volontaire), le jeu surprend, déroute aussi. Pour son concepteur, c'était la force aussi de l'époque de permettre de tester, d'innover. Certaines de ses fonctions ont fait des émules, d'autres sont tombées aux oubliettes. "Mais on tentait", en rigolait Paul Cuisset.

"Aujourd'hui, il y a beaucoup de jeux, c'est très difficile de faire quelque chose d'innovant", se rappelle-t-il. "A l'époque, c'était assez simple. On naviguait dans le brouillard, parce qu'on n'avait ni théorie ni outil pour nous expliquer comment faire les choses."

Sorti sur de multiples supports, de l'Amiga à la Super Nintendo en passant par la Jaguar et la Mega Drive, Flashback pourra se vanter d'être un temps le jeu vidéo français le plus vendu dans le monde (deux millions d'unités). "Même s'il avait été très bien reçu, 10 ans après sa sortie, je n'en étais toujours pas conscient", confiera son créateur au moment de fêter les 25 ans du jeu. "Ce n’est que dans les années 2000 que les gens sont venus vers moi pour me dire à quel point Flashback avait compté pour eux."

Flashback bouleverse le jeu vidéo à sa sortie en 1992
Flashback bouleverse le jeu vidéo à sa sortie en 1992 © Delphine Software

Si un nouvel opus sorti quelques années plus tard ne restera pas dans les mémoires, même des intéressés (Fade to Black, 1995), le titre original aura droit à des versions améliorées sur PC, Mega CD et même récemment sur smartphone (iOS et Android). Pour ses 25 ans, il renaît même en version remastérisée sur Nintendo Switch après un remake pour ses 20 ans.

"Je vais lui faire un truc vache et on va voir s'il s'en sort"

Et l'histoire de Flashback ne s'arrêtera pas là. Une suite officielle - Fade to Black n'était pas estampillé Flashback - est en approche. Portée par Microids, mais aussi Paul Cuisset, elle est attendue sur console en 2023. "C'est un peu comme retrouver de vieux amis: on sait qu'ils existent, on sait qu'ils sont là autour de nous, mais à un moment donné, on se dit que ce serait bien de se revoir et de faire quelque chose", raconte Paul Cuisset qui avoue une certaine nostalgie.

"On avait ce rêve à l'époque de faire un 2, qui n'a jamais abouti (...), l'envie de continuer les aventures de Conrad et d'offrir de nouvelles choses autour de cet univers. C'est une chance de pouvoir le faire aujourd'hui."

Paul Cuisset avait écrit une suite dans les années 1990. Est-ce que Flashback 2 reprendra là où il avait laissé son héros? Ce n'est pas totalement sûr. Il admet que la mentalité dans le développement de jeu a changé.

"Aujourd'hui, on s'intéresse à l'expérience du joueur, à la manière dont il va vivre son aventure, on essaie de lui donner les moyens pour le satisfaire... À l'époque, on avait une approche un peu différente", reconnaît celui qui voit le jeu comme "un challenge, un affrontement entre le créateur et le joueur". "On était plutôt à se dire: je vais lui faire un truc vache et on va voir s'il s'en sort! Maintenant (...) on essaie de donner au joueur les outils pour résoudre les problèmes, alors qu'à l'époque, on mettait les problèmes, mais pas les outils..."

Jeu assez punitif avec peu de sauvegardes à sa sortie, nul doute que Flashback ne reviendra pas totalement en arrière pour séduire le plus grand nombre. Mais rien que la promesse d'un retour du jeu emblématique est déjà en soi une madeleine de Proust que beaucoup ont hâte de savourer, plus facile ou non.

Melinda Davan-Soulas