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Harcèlement sexuel et moral: le procès de trois ex-cadres d'Ubisoft rouvre ce lundi

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Ce lundi 2 juin s’ouvre le procès de trois anciens cadres d’Ubisoft devant le tribunal correctionnel de Bobigny. lls sont jugés pour plus des faits de harcèlement sexuel et moral envers des employés de l’éditeur français de jeux vidéo.

Près de trois mois après un premier report, les deux parties vont se retrouver ce lundi matin au tribunal de Bobigny. Le procès contre trois anciens cadres d’Ubisoft redémarre. Prévu initialement le 10 mars dernier, le procès - aux premières heures déjà houleuses - avait été renvoyé au 2 juin par le tribunal, les avocats des parties civiles comme de la défense estimant n’avoir eu que tardivement accès à certaines pièces du dossier.

Mêmes acteurs et mêmes accusations: Serge Hascoët (ancien directeur créatif du groupe), Thomas "Tommy" François (ancien vice-président du service éditorial d’Ubisoft) ainsi que Guillaume Patrux (ancien Game Director) sont accusés de faits de harcèlement sexuel et moral, mais aussi d’agressions sexuelles. Selon les syndicats de l’éditeur français, on dénombrerait une quarantaine de cas, étalés sur une dizaine d’années.

Culture d’entreprise nauséabonde ou comportements individuels déplorables?

L’affaire avait éclaté en 2020 après des révélations du journal Libération et du site Numerama qui avaient reçu les témoignages de nombreux salariés. Ubisoft avait alors licencié Tommy François et Guillaume Patrux, tandis que Serge Hascoët, bras droit d’Yves Guillemot et architecte pendant 20 ans des plus grands succès d’Ubisoft (Assassin’s Creed, Far Cry…) avait choisi de démissionner.

Une plainte collective avait alors été déposée par les syndicats et les salariés. Il était notamment reproché à Tommy François la diffusion de films pornographiques dans l’open space, des commentaires déplacés sur le physique de certaines employées, l’humiliation publique et des tentatives d’agression sexuelle. Son ancien responsable direct, Serge Hascoët, doit répondre de propos racistes ou inappropriés, de harcèlement sexuel et moral. Des cas de harcèlement moral également reprochés au dernier accusé, Guillaume Patrux.

Le PDG d'Ubisoft Yves Guillemot lors de la cérémonie des Pégases 2020
Le PDG d'Ubisoft Yves Guillemot lors de la cérémonie des Pégases 2020 © FRANCOIS GUILLOT © 2019 AFP

Avec la réouverture du procès, les syndicats unis derrière les salariés espèrent aussi mettre en accusation Ubisoft, dont ils pointent la responsabilité dans cette affaire et son mutisme alors que les faits étaient avérés selon eux. Une culture d’entreprise d’antan qu’ils pointent du doigt et qui mériterait des poursuites pour l’accusation. Ils aspirent toujours à voir Yves Guillemot, le fondateur et PDG du N°1 français du jeu vidéo, cité à comparaître, ainsi que divers hauts responsables toujours en fonction.

Mais Ubisoft a déjà nié toute citation à comparaître reçue pour son patron ou tout autre membre des ressources humaines. L’éditeur français affirme avoir "pleinement coopéré avec les autorités", mais ne souhaite pas se mêler d’un procès "qui ne concerne pas l’entreprise".

Ubisoft, un absent au cœur du procès

Et il est vrai qu’Ubisoft se tient à l’écart de tout commentaire depuis l’annonce d’un procès de ses anciens salariés. À la suite de cette affaire, diverses enquêtes internes et audits avaient été menés, poussant le géant hexagonal à prendre surtout conscience d’une culture d’entreprise devenue toxique.

De nombreuses dispositions ont ensuite été décidées par Ubisoft, que ce soit avec le départ de nombreux cadres dirigeants, plus ou moins directement concernés par les faits, notamment aux ressources humaines, que pour accompagner les salariés et libérer la parole. Des processus de gestion des cas de comportements inappropriés ont été institués, avec des équipes spécialisées dans les relations avec les employés et une amélioration des canaux de signalement.

Le procès va reprendre du 2 au 6 juin, avec les éléments en possession de toutes les parties, mais pas de nouveaux noms sur la liste des accusés, au grand dam des plaignants. L’ombre d’Ubisoft va planer sur ce procès d’une époque que l’éditeur lui-même espère révolue. Et de remous médiatiques dont il se serait bien passé alors que les résultats financiers ne sont pas au mieux, malgré une bouffée d’air octroyée par les bons résultats d'Assassin's Creed Shadows.

Théotim Raguet et Melinda Davan-Soulas