"Ce n'est pas simple": comment des Français ont travaillé sur Homeworld 3

Le 28 septembre 1997, Homeworld débarque sur PC en proposant un système de jeu de stratégie en temps réel, mais dont l'originalité s'avère être son univers: de la science-fiction où l'espace est désormais le terrain de jeu, en trois dimensions. Le succès est tel qu'un second épisode est commandé par son éditeur, Sierra Entertainment, qui proposera l'ultime épisode de la série le 16 septembre 2003.
Vingt ans plus tard, Gearbox et Blackbird lancent ce lundi 13 mai Homeworld 3, fruit de cinq années de développement, avec à sa tête Rob Cunningham, présent au sein de la saga depuis ses débuts. Et parmi l'équipe, on trouve deux Français, Jonathan Dahan, producteur principal chez Gearbox, et Paul Chadeisson, originaire de Nantes, qui a signé l'imposante jaquette de ce troisième opus, transposant le style si unique de la franchise dans le média désormais très grand public du jeu vidéo.
"J'avais accès à leur bac à sable"
Pour Jonathan Dahan, arrivé il y a un an chez Gearbox, le choix de se diriger vers Homeworld 3 s'est fait naturellement, révèle-t-il à Tech&Co: "On m'a donné le choix entre plusieurs projets, et quand on m'a dit que l'un d'eux était Homeworld 3, c'était le seul et unique choix possible. Je suis un fan depuis tout petit, c'était donc très facile."
Paul Chadeisson connaissait de son côté le travail effectué par Rob Cunningham: "Je suis artiste, donc j'ai tendance à partager le travail que je fais. J'avais fait une espèce de porte-avion volant, et ça a bien plu à Rob, et sans qu'on se connaisse, on s'est mis à échanger et six mois plus tard, ils m'ont proposé de réaliser plusieurs décors. Avant de me proposer de faire la couverture du jeu."
Un défi loin d'être facile, raconte Paul Chadeisson, qui n'a pas pour autant vu ce projet comme inatteignable: "Je ne l'ai pas vécu comme une pression, c'était plutôt l'occasion d'avoir accès à leur bac à sable, et de jouer avec cet univers que j'adore." Chaque semaine, celui qui habite Nantes retrouve les équipes de Gearbox pour des points d'étape: "C'était une espèce d'atelier où chacun balançait ses idées, ils prenaient mon image et y ajoutaient des choses, c'était très fun et collaboratif."

Avant d'arriver chez Gearbox, Jonathan Dahan avait travaillé sur une autre saga culte, Tomb Raider. Lorsqu'on lui demande si la pression est la même, compte tenu de ce que représente Homeworld chez les fans, il répond positivement: "Ce n'est pas simple de travailler sur Homeworld, les attentes de la communauté sont très élevées car il y a des gens qui attendent un nouvel épisode depuis très longtemps, et il faut qu'ils soient satisfaits. C'est une pression mais qui est encourageante. Les joueurs nous disent ce qu'ils veulent ou non dans le jeu."
L'équipe originale de Homeworld au rendez-vous
Pour s'assurer d'avoir le soutien d'une communauté qui a pris de l'âge, alors qu'elle a découvert la saga parfois en étant adolescent, Homeworld 3 fait face à un mur difficile à escalader: "On a travaillé avec Blackbird dont certains membres de l'équipe ont fait partie de l'équipe originale de la saga. Ils avaient beaucoup d'idées pour raviver la franchise après autant d'années," explique Jonathan Dahan.
"Moi je suis arrivé, le jeu était déjà en développement avancé et ils m'ont donné pas mal de recherches qu'ils avaient déjà faites" se souvient de son côté Paul Chadeisson, "il fallait rebondir là-dessus pour trouver d'autres choses, pour eux c'est vraiment un moyen d'étendre la saga comme ils le veulent."
Paul Chadeisson, justement, est souvent dans l'ombre, mais il a pourtant travaillé sur des projets importants pas forcément liés aux jeux vidéo. Il est présent aux génériques de Dune, Fondation, mais aussi Blade Runner 2049: "Ce qui change avec le jeu vidéo, vu qu'on ne construit rien en vrai, on fait tout en 3D, ça repousse les limites encore plus loin, tout est possible, tout est permis. Dans un jeu vidéo, on va pouvoir avoir des échelles beaucoup plus grandes, il faut juste bien le faire."

Pour créer l'artwork principal, qui permet de "vendre" le jeu auprès des joueurs, Paul Chadeisson explique y avoir mis son ressenti de l'univers, tel qu'il le concevait: "Il n'y a pas de magie, c'est vraiment une question de ressenti, essayer de sortir ce qu'il y a de plus fun en nous."
La jaquette de Homeworld 3 a ainsi pris plusieurs semaines avant d'être complètement finalisée: "Toutes les deux semaines on se faisait une réunion avec pas mal de monde qui collaborait pour trouver le bon ton." Il avoue volontiers avoir réalisé des recherches avec néanmoins déjà l'idée d'avoir un vaisseau sortant d'une porte gigantesque: "On a testé énormément de combinaisons avant de tomber d'accord."
La discrétion est la clef
Le concept montré en couverture, qui représente un mégalithe, est transposé ensuite en jeu et s'avère être l'une des fonctionnalités majeures de Homeworld 3. Les joueurs peuvent en effet utiliser les structures spatiales les plus gigantesques pour s'immiscer en territoire ennemi. Un gameplay qui est "un élément majeur" du jeu, confirme Jonathan Dahan.
Il confie également que les développeurs ont beaucoup travaillé sur l'accessibilité de Homeworld 3. Pas uniquement du point de vue des joueurs en situation de handicap - il existe plusieurs options - mais aussi pour ceux qui découvriraient la saga par ce troisième opus. La présence d'un récapitulatif de l'histoire, mais aussi un gameplay et des tutoriels simples, permet au titre de prendre les joueurs les moins aguerris par la main, sans les noyer dans un trop-plein d'informations.
Le jeu est d'autant plus malin que son scénario, digne des meilleurs épisodes de Battlestar Galactica, offre une montée en puissance et une difficulté progressives. Blackbird a également pensé aux fans de la première heure en proposant un mode "Jeu de guerre" qui s'inspire des jeux "rogue-lite", avec des sessions de jeux plus courtes.
À l'issue de cet entretien avec Tech&Co, les deux "frenchies" Jonathan Dahan et Paul Chadeisson confient la "petite touche à la française" qui peut faire la différence, même dans des studios de grande envergure, ou au sein de projets majeurs: "La volonté de faire un bon jeu transcende la nationalité. Ça ouvre aussi des opportunités inattendues, comme rencontrer BFMTV par exemple."