"Assassin’s Creed Shadows" est bien la bouffée d’air qu’il fallait pour relancer la saga

"On entre dans une troisième période pour Assassin’s Creed". Ainsi, Marc-Alexis Côté, responsable de la licence, évoque auprès de Tech&Co l’avènement d’Assassin’s Creed Shadows. Une entrée dans une nouvelle ère pour la licence qui n’est pas seulement technologique, mais aussi plus profonde dans la philosophie et les fondements de la saga.
Le premier âge d’Assasin's Creed s’étendait, selon lui, jusqu’à Syndicate, suivi "par un accent plus jeu de rôle donné" à la franchise avec l’intronisation d’Origins et jusqu’à Mirage, mais avec surtout Odyssey et Valhalla. Avec Shadows, l’équilibre entre monde ouvert avalé et jeu un peu plus à la carte serait trouvé. Une révolution sur le fond et la forme qui fait du bien.
Une beauté à couper le souffle
Et dès les premières heures manette en main, Shadows se démarque de ses prédécesseurs. Par sa beauté à couper le souffle tout d’abord, due autant à la conception des personnages qu’aux décors. Le Japon féodal est une aire de jeu tellement logique quand on connaît la saga que la modernité technologique lui sied à merveille. La montagne, la rase campagne, les temples, les forêts dans lesquels on va se cacher pour affronter les ennemis, les cours d’eau qui apportent de la pureté en temps de guerre… tout a été particulièrement peaufiné par les équipes pour un monde ouvert somptueux traversé par les deux héros, la shinobi revancharde Naoe et le samouraï d’origine africaine, Yasuke.
Le décor planté donne envie de gambader, d’explorer comme au bon vieux temps. Ubisoft a promis un terrain à parcourir moins ambitieux que ceux d’Odyssey et Valhalla. On apprécie de savoir où on va et pourquoi, même si la boussole aux objectifs a disparu. On fait à sa guise et cette liberté paradoxalement renforce l’immersion dans l’aventure.

L’impact de la météo promis est réel. L’effet jour/nuit plus important qu’auparavant tout comme les changements de saison. Attaquer dans la neige, profiter de l’obscurité pour s’en prendre à des ennemis qui dorment, se méfier des feuilles et des sols mouillés pour le bruit en rampant, ou bien profiter d’un lac gelé pour aller plus vite… il faut désormais tout prendre en compte.
Prendre le temps d’apprécier le temps
Dans la conception, le jeu a changé aussi. Si vous voulez faire des quêtes vous pouvez, prendre ces moments de méditation qui font par exemple revivre des événements de son passé récent à Naoe pour mieux comprendre la situation actuelle.
Et puis Ubisoft Québec s’est aussi attaché à ne pas trahir l’histoire japonaise. Les faits historiques sont bien là, la période guerrière tendue de l’ère Sengoku. Le reste, c’est de la fiction historique comme l’éditeur sait le faire. On suit nos héros dans ce cadre, on comprend et tout est prétexte à des situations, des combats, des moments culturels où le passé et le présent des deux protagonistes alternent le calme de l’histoire du jeu et la tempête de l’histoire. Une façon de ne pas oublier qu’Assassin’s Creed Shadows n’est pas un cours d’histoire, mais un jeu sur fond historique, avec ses libertés accordées. Yasuke en fera à tout jamais partie, nul ne pouvant justifier de la véracité ou non de son statut, l’histoire elle-même n’y étant pas parvenue.
Shadows se déroule dans un XVIe siècle en pleine guerre sous la poussée d’Oda Nobunaga. Au-delà de l’art de la guerre chère à l’histoire du pays, la culture japonaise est aussi omniprésente. Dans la musique déjà qui fait un bien fou dans un jeu particulièrement riche en hémoglobine et morts assez violentes (mais fidèle à l’époque finalement). On peut aussi s’adonner à des activités plus tranquilles qui reprennent des coutumes ancestrales (cérémonie du thé, entraînement aux katas, peinture de la faune, caresser des chats, prier, réparer à la feuille d’or les objets brisés, etc.).

Tout cela donne vie aux décors et apporte un environnement totalement différent des précédents jeux, tout en offrant d’autres choses à faire. On peut choisir de filer tout droit dans l’histoire principale ou bien de profiter des quêtes annexes qui enrichissent aussi l’expérience plus dynamique malgré quelques moments de contemplation plus nombreux. Mais le parkour reste présent et est même enrichi avec une sorte de grappin qui permet à Naoe de temps en temps de se cacher au plafond dans une posture que ne renierait pas Spider-Man pour mieux attaquer soudainement et fatalement.
Deux héros et des milliers d'expériences
Le jeu renouvelle aussi la façon de jouer et de penser son expérience avec deux véritables héros aux profils et physiques très différents qui rendent le tout particulièrement plaisant et vivifiant. Il réussit ce qu’Odyssey n’avait pas vraiment réussi à faire dans le gameplay avec Kassandra et Alexios trop similaires, mais que Syndicate avait effleuré du bout des doigts avec Jacob et Evie, entre lesquels on alternait selon des séquences bien précises, mais avec des talents différents.
Dans Shadows, chacun choisit son approche des situations (hors parties propres à l’histoire de chaque personnage). Certaines mériteront d’être abordées avec la fugacité, les capacités et la dextérité de Naoe, plus proche des assassins d’antan et particulièrement agréable à jouer. D’autres donneront envie d’y aller en force et au corps à corps avec Yasuke, avec lequel on doit – habitués des Assassin’s Creed – oublier toute notion de parkour ou d’escalade. Une autre façon de jouer qui fait aussi un bien fou à la saga avec cet ajout plus stratégique dans l’approche. Et de noter que les populations réagissent aussi à votre choix de héros selon la situation.

Assassin’s Creed Shadows offre une profondeur de jeu supérieur à ses prédécesseurs avec sa double approche possible. Ce ne sera pas la même partie pour chacun, la même résolution de l'histoire et certainement pas la même durée de jeu que vous préfériez la virée dans ce monde ouvert d'un nouveau genre ou de boucler l'histoire.. La narration profite aussi d’une histoire plus forte, plus personnelle pour les héros. On s’identifie aussi bien plus au devenir de celui qu’on choisit et chaque joueur aura forcément son préféré.
Mais le 14e opus garde aussi ses marques de fabrique (le parkour, la répétition parfois des actions, la collection, quelques longueurs narratives…) que certains apprécieront ou pas. Les nouveautés sont tellement plus marquantes et impactantes qu’on peut être plus tolérants avec ce Shadows. Ce n’est sans doute pas encore la recette parfaite, mais un véritable coup de frais qui fait du bien pour proposer une autre approche et une forme de rédemption après des années à offrir un cocktail qui paraissait surtout changer de nom et d’aspect plus que d’ajouter une petite touche personnelle.
Cela suffira-t-il à réconcilier les joueurs avec l’éditeur français ? Au moins, ce dernier aura entendu et tenté d’apporter de la nouveauté. De là à s’offrir un peu de paix de l’esprit… les prochaines semaines le diront.