Comment les pro-Bolsonaro se sont servis des réseaux sociaux pour organiser leur insurrection

Sur Facebook, Twitter ou TikTok, tous les indices étaient réunis pour prévoir l’insurrection qui a secoué le Brésil ce dimanche. Différents lieux de pouvoirs de Brasilia, la capitale du pays, ont été envahis par des manifestants pro-Bolsonaro. Ils ont depuis été délogés.
Ces épisodes de violence font suite à l’élection de Lula à la tête du Brésil fin octobre. Mais depuis les résultats, des voix dénoncent le scrutin présidentiel, dénonçant une fraude. De nombreux appels à "stopper le vol" ont ainsi proliféré sur les réseaux sociaux, raconte le Washington Post.
Des influenceurs ont même convié à une "Festa da Selma". Ce terme signifie "la fête du cri de guerre", en prenant soin de détourner le mot "selva" afin d’éviter toute détection par les autorités. Au Brésil, les internautes peuvent être arrêtés s’ils publient du contenu anti-démocratique.
Cela n’a pourtant pas empêché les pro-Bolsonaro de manifester leur mécontentement et d'organiser leur journée de révolte. Des spécialistes brésiliens des réseaux sociaux avaient pourtant prévenu des risques d’incidents tels que ceux ayant vu le Capitole américain pris d'assaut, le 6 janvier 2021.
L’événement, qui avait mené à la suspension du compte Twitter de Donald Trump, aurait pu servir de leçon et empêcher que de tels actes se reproduisent. Mais le récent rachat du réseau social et la volonté d’instaurer une liberté d’expression extrême sur la plateforme ont miné cet espoir. "Elon Musk a réhabilité des profils d’extrémistes très dangereux", a indiqué Michele Prado, une chercheuse spécialisée dans les courants d’extrême droite au Brésil, à Rest of World, dans un article repéré par Korii.
Des contenus qui radicalisent les gens
"Cela offre de la légitimité aux contenus extrémistes et, à court terme, fournit des contenus qui radicalisent encore un peu plus les gens, des gens qui rejoignent les manifestations devant les bases militaires pour appeler à un coup d’Etat brisant l’ordre démocratique", explique-t-elle.
Sur TikTok, les chercheurs ont remarqué que cinq des huit meilleurs résultats de recherche comportaient le terme "bulletin de vote". Sur Facebook et Instagram, des milliers d’utilisateurs ont été orientés vers des groupes remettant en cause l’intégrité des élections. Le tout, alors qu’ils n’avaient utilisé que des termes classiques dans leur recherche.
Si l’ensemble des plateformes ont vu défiler des messages affirmant que les élections ont été volées ou truquées, c’est sur Telegram, faiblement modéré, que les propos les plus virulents et violents se sont répandus. Ce n’est donc pas une surprise d’avoir vu l’organisation des manifestations prendre place sur ce réseau.
Plus de 300 personnes interpellées
Ainsi, des dates, des horaires et des itinéraires ont été partagés afin de regrouper un maximum de personnes dans la capitale brésilienne ce 8 janvier. Selon les publications vues par le Washington Post, un immense ramassage par bus a été mis en place pour faire parvenir des manifestants d’au-moins six régions du pays.
"Attention, patriotes! Nous nous organisons pour un millier de bus. Nous avons besoin de deux millions de personnes à Brasilia", prévenait une publication.
Ce dimanche, une marée humaine jaune et verte pro-Bolsonaro a pris le contrôle durant quelques heures du palais présidentiel, du Congrès et de la Cour suprême à Brasilia. Pour l’heure, plus de 300 personnes ont été interpellées. Les autorités judiciaires brésiliennes ont lancé les premières investigations pour déterminer les responsabilités de ces prises d’assaut.