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Comment les algorithmes vont permettre de traquer la mafia italienne

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La police dispose de nouveaux outils pour traquer les activités mafieuses. Des logiciels permettent de scruter les comptes de milliers d’entreprises pour repérer des mouvements d’argent suspects.

Les carabiniers ont mis un terme à la cavale de Matteo Denaro, l’homme le plus recherché d’Italie, ce 16 janvier. Âgé de 60 ans, le mafieux sicilien aura passé la moitié de sa vie à échapper aux forces de l’ordre. Depuis la mort de Toto Riina et Bernardo Provenzano en 2016 et 2017, il est considéré comme la nouvelle tête pensante de Cosa Nostra.

Mais si ce sont des policiers bien humains qui ont permis sa capture, les criminels italiens doivent désormais se méfier d’un nouveau type de menaces: les algorithmes.

Scruter les comptes publics des entreprises

La mafia calabraise, surnommée ‘Ndrangheta, voit depuis quelques mois des logiciels comencer à traquer ses finances. Car, comme l’explique Antonio Parbonnetti au Point "une entreprise qui répond aux exigences de l’organisation criminelle, cela se voit dans les chiffres." L’enseignant au département des sciences économiques de l’université de Padoue, près de Venise, met au point avec son équipe un logiciel capable de détecter des activités mafieuses au sein des bilans comptables des entreprises.

Dans le cadre d'une étude, le logiciel a permis de révéler que 30.000 sociétés de Vénétie sont liées d'une manière ou d'une autre au crime organisé, rapporte le Corriere del Veneto. Cela représente 5 à 7% des entreprises de la région italienne. Ces résultats ont été mis au jour par l'utilisation de nombreuses données, issues des verdicts de procès antimafia. L'outil est ainsi capable de scruter les comptes publics des entreprises et d’en analyser les opérations financières. Il est ainsi possible de trouver des incohérences dans les finances.

“Quand on décèle un risque ‘élevé’, dans 90% des cas l’indication est juste”, se félicite Antonio Parbonnetti.

C'est sur un logiciel similaire que repose une initiative d'Interpol, baptisée I-Can, un programme de collaboration internationale contre la ‘Ndrangheta. Au total, treize pays -dont la France, l’Espagne, la Suisse ou les Etats-Unis- ont rejoint l’Italie pour combattre l'expansion de la mafia calabrais en dehors du pays.

Identifier des tendances

La version italienne de Wired détaille que la ‘Ndrangheta cherche aujourd’hui à réinvestir ses capitaux illicites en dehors de l’Italie. Il est donc plus difficile pour les policiers de suivre ces mouvements financiers, faute d’une coopération judiciaire adéquate avec les pays choisis par les criminels. C’est pourquoi le recours à un algorithme pourrait faciliter la traque des activités mafieuses.

Dans son fonctionnement, le logiciel permettra d’explorer de manière interactive des informations provenant de millions de sources différentes. Wired prévient que la technologie ne restera qu’un outil et que le flair des détectives sera indispensable.

Pour autant, des capacités prédictives ont récemment été ajoutées au dispositif, précise la Gazzetta del Sud. Ainsi, il est possible d’identifier des tendances et des schémas similaires aux opérations déjà documentées. Les forces de l’ordre pourront ainsi concentrer leur travail sur ces opérations suspectes.

Une dernière phase de développement est prévue entre 2024 et 2025. Le logiciel atteindra ensuite son plein potentiel. Il sera alors en mesure de recouper des informations internes et externes et offrira des qualités d’analyses revues à la hausse. De quoi freiner fortement les envies d’expansion de la mafia calabraise à l'international.

Pierre Monnier