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Cet hôpital français utilise l'intelligence artificielle pour prédire l'afflux de patients aux urgences

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Pour mieux gérer les phases de tension aux urgences, menacées d'engorgement, l'hôpital de Valenciennes s'est doté d'un logiciel d'intelligence artificielle. Cet outil prédit le nombre de patients attendus chaque jour, permettant aux médecins d'anticiper les besoins sur une semaine.

L'hôpital de Valenciennes (Nord), comme nombre de ses homologues, ne dispose plus de capacités d'accueil suffisantes pour absorber le flux de patients se présentant. Entre 2008 et 2019, le nombre de patients admis chaque jour est en effet passé de 119 à 195 (+ 64%), créant des tensions.

Pour éviter de laisser des patients sur des brancards, de les accueillir dans des services inadaptés ou de les transférer dans d'autres établissements, le centre hospitalier de Valenciennes (CHV) recourt à un logiciel d'intelligence artificiel unique en France. Cette solution de la société suisse Calyps, baptisée Calai, est capable de prédire sept jours à l'avance le nombre d'admissions aux urgences. Elle permet aussi plus fondamentalement de mieux planifier les activités hospitalières.

Une première expérimentation a été menée durant l'automne 2019. Elle a débouché sur des résultats probants puisque l'hôpital ambitionne pour 2020 de rendre ensuite accessible le logiciel dans cinq "services aval", qui reçoivent les patients après leur passage aux urgences s'ils doivent être hospitalisés.

Un taux de fiabilité supérieur à 90%

En attendant, aux urgences sur son ordinateur, chaque médecin peut visualiser le flux attendu pour chacun des sept prochains jours. Le logiciel lui indique le nombre de patients entrant, sortant et présents dans le service, avec un degré de précision à l'heure près et un taux de fiabilité supérieur à 90%.

"On attend aujourd'hui 215 patients, dont 37 de plus de 75 ans", explique le docteur Antoine Maisonneuve, chef du service des urgences au CHV, pointant les chiffres sur son écran. "Entre 11H00 et midi, il y aura 13 admissions. Mais ce qui m'intéresse, ce sont les chiffres à trois jours, pour adapter les moyens", en termes de lits comme de personnel. "Cela m'apporte une vision au-delà de celle que je peux avoir, à une heure, en fonction des admissions à l'accueil ou des alertes du Samu".

"Cela serait pour nous un grand élément de stress en moins", reconnaît Cédric Gozé, praticien hospitalier, au centre hospitalier de Valenciennes depuis 17 ans.

Le logiciel traite les données anonymisées de l'hôpital

À terme, le logiciel doit permettre non seulement d'anticiper les flux, mais aussi les durées d'hospitalisation et proposer une répartition optimale des patients sur les lits disponibles.

Pour anticiper les flux de patients, la société suisse Calyps s'appuie sur les données -anonymisées- récoltées depuis plusieurs années par l'hôpital à chaque séjour d'un patient et les croise avec d'autres données, notamment sur la météo, les événements locaux (manifestations, matchs...) ou le trafic routier: l'algorithme peut ainsi faire des corrélations entre épisodes de verglas et entrées aux urgences.

"L'algorithme apprend à reproduire ce qu'il a vu dans le passé, à différentes échelles : il s'est passé ça hier, donc il se passera ça demain, il s'est passé ça le mois dernier, donc il se passera ça demain...", explique Hugo Flayac, directeur scientifique chez Calyps.

Pour prédire les durées de séjour, les données sont plus individualisées: "il y a l'âge du patient, le sexe et, bien sûr, le plus important, le diagnostic", poursuit le dirigeant de la société suisse. "On complète la vision qualitative du médecin, son ressenti, avec une approche quantitative. On vient mettre des chiffres sur ce ressenti qui se vérifie ou pas".

Affiné en permanence grâce à des données supplémentaires, le logiciel en est à sa "cinquième ou sixième version en un trimestre", précise Frédéric André, directeur du système d'information au CHV.

Après Valenciennes, ce logiciel pourrait être adapté ailleurs: tandis que les situations d'engorgement des urgences se multiplient, des hôpitaux franciliens, néerlandais et suisses ont approché Calyps.

F.B avec AFP