Chez Apple, l'intelligence artificielle est-elle en train de tourner au fiasco?

Poussé par les actionnaires et les investisseurs de se mettre à l'intelligence artificielle, on ne peut pas vraiment dire qu'Apple a mis beaucoup de bonne volonté dans son approche. Malgré quelques rachats notables, l'entreprise dirigée par Tim Cook continue de s'appuyer sur ses produits, et on comprend pourquoi.
Apple Intelligence, dévoilé en juin 2024 à la WWDC, sa conférence dédiée aux développeurs, n'a pas encore pris sa forme finale, et le développement prend du temps, beaucoup de temps. D'abord lancées aux Etats-Unis en novembre 2024 - soit deux mois après la sortie des iPhone 16 et d'iOS 18 -, les fonctionnalités d'IA générative n'ont pas encore totalement convaincu.
Apple face à ses promesses intenables
Cerise sur le gâteau, l'un des éléments phares, Siri, n'aura finalement pas droit à sa refonte avant 2026. Dans les dernières révélations de Bloomberg sur le sujet, des sources chez Apple témoignent en effet d'un certain embarras. Certaines des fonctionnalités présentées lors de la WWDC ne marchent pas en l'état, ou sont très loin de la réalité espérée par l'entreprise.
De fait, la promesse d'une sortie de ce Siri pouvant raisonner en fonction de vos données ou de vos actions pour le printemps 2025 paraissait bien illusoire.
Dans l'idée, il s'agit de pouvoir enfin bénéficier d'un assistant vocal suffisamment intelligent, ce qui n'a jusqu'ici jamais été le cas sur iOS. Souvent moquée, Siri devait donc venir faire taire les critiques avec une version "2.0"... qui devra encore attendre son heure.
D'une manière générale, Apple a aussi tardé à se lancer dans l'intelligence artificielle. Alors que Google a tout misé sur Gemini avec ses par partenaires comme Samsung, et qu'OpenAI peut compter sur le lourd soutien financier de Microsoft pour développer ses puissants modèles de langage, Apple a de son côté longtemps attendu avant d'aller dans le grand bain. Sans convaincre.
Un retard qui n'est pas sans conséquence
D'autant que plusieurs problèmes graves sont venus émailler le lancement d'Apple Intelligence. Des problèmes qui auraient pu être évités à l'heure où ses concurrents sont déjà passés par là.
On pense notamment à Image Playground, qui a été pointé du doigt pour ses biais racistes. Une étude menée par le chercheur Jochem Gietema n'y va pas avec le dos de la cuillère: l'application d'IA générative a déjà du mal avec les couleurs de peau atypiques, et va même jusqu'à proposer des résultats bourrés de préjugés. Si on demande la génération d'un basketteur, c'est un personnage noir qui apparaîtra, de même que lorsqu'on demande une image avec des termes négatifs comme pauvre" ou "indigent".
A contrario, Image Playground proposera des personnages blancs pour des prompts positifs ou des sports et métiers comme skieur et golfeur. Ces stéréotypes, l'entreprise n'y a jamais répondu, elle qui aime pourtant se montrer comme responsable et inclusif.
Même fiasco pour ce qui était pourtant largement mis en avant par Apple: les résumés de notification. A l'instar d'autres IA générative, cette option, qui permet en théorie de se passer d'une lecture complète, a suffisamment déçu pour être retirée par Apple. Les exemples ridicules ne manquent pas, comme lorsque l'IA d'iOS a annoncé le suicide de Luigi Mangione, en voulant résumer une actualité de la BBC.
Dans un communiqué, Apple avait fait amende honorable, encourageant les utilisateurs "à signaler un problème". Mais la question est de savoir comment une fonctionnalité aussi essentielle se retrouve entre les mains du grand public, avec autant de problèmes.
Le "Apple Plans-gate" dans tous les esprits
D'une certaine manière, le déploiement aussi long que laborieux d'Apple Intelligence peut rappeler celui d'Apple Plans. La réponse à Google Maps proposée depuis 2012 sur iOS avait été largement critiquée pour son lancement précipité. Bien des années plus tard, le pari de remplacer Google sur ce terrain n'est toujours pas acquis, mais il aura fallu attendre 10 ans pour que l'application de cartographie voulue par Steve Jobs soit de bonne qualité.
Va-t-il falloir attendre autant pour Apple Intelligence? Pour le bien d'Apple, on espère que non. L'entreprise a toutefois peut-être compris le malaise en préparant une refonte complète d'iOS pour fin 2025, avec à la clef, écrit Bloomberg, un moyen de reprendre la main sur un système d'exploitation qui n'a pas particulièrement changé au fil des années, voire qui s'est même alourdi.
C'est peut-être cette refonte donc Apple a besoin pour enfin faire décoller Apple Intelligence, qui, au regard des ventes d'iPhone en baisse, ne semble pas vraiment faire saliver les consommateurs jusqu'à présent.
Pour expliquer tous ces maux, Apple ne peut même pas accuser l'Europe. Certes, Apple Intelligence n'y est pas disponible, certes, cela crée un manque d'arguments en faveur des nouveaux modèles d'iPhone, mais les problèmes évoqués de longue date autour de l'arrivée de l'entreprise dans l'IA générative n'ont pas attendu les réglementations du vieux continent pour créer le chaos.