Un arrêt maladie en quelques clics: qu'y a-t-il derrière le site qui promet des certificats sans voir un médecin?

"Arrêts maladie 100% en ligne. Remplissez simplement un questionnaire et recevez en 5 minutes votre arrêt maladie du médecin au format pdf." C'est la promesse du site Arret-maladie24.com, lancé en avril dernier, qui suscite une vive polémique sur X, ex-Twitter.
La promesse est alléchante. Vous êtes trop souffrant au point de ne pas pouvoir vous déplacer? En quelques clics, le site vous propose d'obtenir un arrêt de travail de trois jours maximum sans rencontrer physiquement de médecin.
3 millions de faux arrêts maladie
Pour cela, il suffit de "choisir votre maladie", de remplir un questionnaire en ligne d'une dizaine de questions sur vos symptômes, payer 19 euros, ou 24 euros si l'arrêt est supérieur à 7 sept jours, et le tour est joué. Selon le site, un médecin "international" va ensuite vérifier la déclaration du malade, et signer le certificat.
L'arrêt de travail arrive dans les 5 minutes par e-mail après le paiement. Le tout, sans se rendre dans un cabinet et sans téléconsultation. Au total, son propriétaire revendique plus de 3 millions de certificats médicaux en ligne délivrés depuis 2018, via d'autres portails et probablement d'autres pays.
Une aubaine? Pas vraiment. Car, comme le rappelle la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), interrogée par Tech&Co, la pratique est illégale. "Si aucun médecin ne consulte réellement le patient, l'arrêt de travail est frauduleux". Les utilisateurs de ce site risquent une pénalité financière de 4.000 euros.
"La CPAM n'a pas de contrôle massif et industrialisé qui permettrait de repérer tout de suite la différence entre un arrêt maladie falsifié et un arrêt légal", rappelle néanmoins Frédéric Bizard à BFMTV, économiste de la santé.
Résultat, le faux document est souvent accepté par l'organisme.
D'autant qu'il est impossible de s'assurer si un vrai médecin vérifie, comme le promet le site, l'auto diagnostic réalisé par le malade en quelques minutes dans le questionnaire. Dans ce cas, il s'agit tout simplement d'un faux arrêt maladie.
Un de nos confrères de Numerama, qui a également fait le test, assure de son côté avoir retrouvé et pris rendez-vous avec la docteure qui a signé son "arrêt".
Des sites répliqués à l'infini
En réalité, Arret-maladie24.com est loin d'être le seul site promettant de faux certificats en ligne. Des sites comme arretmaladie.dransay.com ou encore dransay.com sont également disponibles sur le web. Tous sont présentés de la même façon: couleurs blanches et vertes, logo de médias vantant les mérites du site.
Derrière ces sites, Can Ansay. C'est lui qui avait lancé en 2020, pendant la pandémie de Covid-19, arretmaladie.fr, un site qui promettait déjà de fournir des arrêts maladie en ligne contre quelques euros. Interrogé alors par Tech&Co, l'homme d'affaires allemand - qui est en réalité avocat et non médecin - assurait déjà fournir de vrais certificats, validés par un médecin.
"Le questionnaire intelligent garantit que le patient a effectué le test correctement et qu'il n'y a pas d'abus. Le médecin n'a alors besoin que de quelques secondes pour délivrer le certificat en ligne", garantissait-il.
Et, "si vous allez chez le docteur et que vous souhaitez un faux certificat en simulant que vous n'allez pas bien, le médecin n'a pas les moyens de le savoir", ajoutait-il sur BFMTV, pour justifier l'intérêt de son site.
Pour délivrer ces faux arrêts maladie, Can Ansay explique s'appuyer sur une "faille juridique". "Selon le Code de la sécurité sociale, l'employé doit envoyer l'ordonnance pour l'arrêt maladie qui doit comporter la signature d'un médecin. Et vous l'avez bien", lance l'avocat, au micro de 7 à 8. Contacté par Tech&Co, il n'a pas donné suite à nos sollicitations.
Lutter contre la fraude
Des arguments qui n'ont pas convaincu la justice française. Le site a en effet été fermé par décision de justice en novembre 2020. "Mais le problème, c'est qu'une fois le site fermé, il suffit d'en changer le nom pour qu'il réapparaisse", détaille la CNAM.
Pour preuve, l'URL d'arretmaladie.fr redirige vers arret-maladie24.com. "J'ai créé une autre entreprise qui a repris le flambeau sous un autre nom de domaine", confirme Can Ansay pour 7 à 8. "Du coup, le site fonctionne toujours."
"A chaque nouveau site, nous entamons une enquête. Nous engageons des poursuites judiciaires en demandant la fermeture du site, ou le blocage de l’accès au nom de domaine par les fournisseurs d’accès à internet", assure l'organisme.
Pour juguler le risque d'abus, l'Assurance maladie déploie depuis septembre de nouveaux formulaires Cerfa hautement sécurisés. "Ce sont des documents difficilement falsifiables", insiste la CPAM. Leur utilisation sera rendue obligatoire en juin 2025.
En parallèle, "nous encourageons les professionnels à transmettre directement les arrêts maladie via leur compte Amélie pro". L'objectif est toujours le même: limiter au maximum le risque de fraude.