Prêt à la consommation: sur TikTok, Cofidis s'est offert des vidéos sponsorisées mais non déclarées

"Il n'y a que les hommes qui bricolent à la maison", "les hommes ne savent pas faire deux choses à la fois"... Des préjugés encore très enracinés, que quelques influenceurs n'ont pas hésité à pourfendre courageusement sur TikTok. Si le but est honorable, la méthode est plus discutable: il s'agit de publications sponsorisées par Cofidis, mais qui ne faisaient pas mention de leur caractère rémunéré lorsqu'elles ont été publiées. Ce qui est imposé par le code de la consommation.
Tech&Co a repéré trois publications portant le mot-dièse #prejugecofidis, vues plus de 4,5 millions de fois et totalisant plus de 90.000 "j'aime". Elles ont été publiées pendant le mois de novembre sur des comptes TikTok cumulant plusieurs centaines de milliers d'abonnés.
Chacune commence par la description d'un défi, qui a été "demandé" par l'établissement de crédit, selon les influenceurs eux-mêmes. Le but: combattre un préjugé, reprenant ainsi le concept des publicités diffusées par Cofidis à la télévision depuis plusieurs années.

Pas de mention "claire" d'un partenariat rémunéré
Contacté par Tech&Co, Cofidis confirme qu'il s'agit d'un partenariat rémunéré. "À partir du moment où quelqu'un fait une publication sponsorisée contre rémunération, il y a obligation de l'indiquer", explique Henri de la Motte Rouge, avocat spécialisé en droit du numérique – que ce soit à l'oral, à l'image ou dans la description.
Mais dans la version initiale de ces trois vidéos, consultée par Tech&Co, aucune mention de ce genre. Ce qui pourrait rapprocher ces vidéos d'une pratique commerciale trompeuse, définie par le code de la consommation comme une publicité qui "n'indique pas sa véritable intention commerciale".
Une des trois descriptions contient bien la mention "*collab" (abréviation de "collaboration"). Mais "on peut être plus explicite", lâche Mohamed Mansouri, directeur délégué de l'ARPP. Cet organisme professionnel, qui établit des bonnes pratiques pour la publicité en ligne, recommande que "la publicité doit pouvoir être clairement identifiée comme telle". Avec des expressions complètes et évocatrices comme "sponsorisé" ou "partenaire rémunéré".
La mention "Cofidis nous a demandé" au début de la vidéo suffit-elle? Non, selon Mohamed Mansouri: "dès lors que l'influenceur s'est engagé par contrat à produire un contenu contre rémunération, c'est une collaboration commerciale, qui doit être signalée comme telle."
"On ne sait pas dans quelle mesure cette mention sera perçue de manière claire comme l’indication d’un partenariat rémunéré”, explique Vanessa Bouchara, avocate spécialisée en droit du numérique.
Des descriptions modifiées a posteriori
Cofidis assure que les trois vidéos précisaient bien leur caractère sponsorisé. Deux descriptions affichent même la mention "partenaire rémunéré". Seul problème: ces mentions ont été rajoutées après que Tech&Co a pris contact avec les différents influenceurs concernés, comme en attestent les captures d'écran prises plus tôt.
@sarahbertolax, un des comptes qui a fait la promotion de Cofidis, assure à Tech&Co qu'il s'agissait d'un bug technique: "la mention s'active habituellement automatiquement lors de l'ajout du code, mais ça n'a pas été le cas cette fois-ci". @manondelsolll n'a pas répondu, mais a rajouté la mention "partenaire rémunéré".
Une quatrième vidéo avec le #prejugecofidis a été publiée le 23 novembre, mais selon Cofidis, elle ne fait pas partie de la campagne de communication rémunérée. "Ce n'est pas parce qu'on participe à un challenge qu'on fait de la publicité pour une marque", souligne Mohamed Mansouri. "Il faut pour cela qu'il y ait engagement réciproque, que l'influenceur se soit engagé par contrat à produire du contenu."
Si d'autres internautres reprennent le concept de ce challenge sans être rémunérés, ils n'ont pas besoin de faire figurer d'avertissement.
Des règles plus strictes pour les établissements de crédit
Les réseaux sociaux comme Instagram et TikTok sont malheuresement habitués aux publicités pas ou mal déclarées. Mais la situation de Cofidis est particulière. En effet, le code de la consommation dispose que la publicité pour du crédit à la consommation doit aussi comporter des messages de prévention, comme "Un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager". Message absent des différentes publications #prejugecofidis.
Mais elles ne sont probablement pas concernées, selon les avocats interrogés. "Les vidéos ne font pas la publicité d'un produit ou d'une activité de crédit, donc ces avertissements ne sont pas obligatoires", estime George Haas, avocat spécialisé en droit du numérique.
Cofidis abonde: "Ces vidéos ne mentionnent pas le terme crédit, ne diffusent pas le logo Cofidis, c’est pourquoi le message de prévention n'apparaît pas. Cofidis est très soucieux d’être transparent et surtout de respecter les règles juridiques liées à ces nouvelles plateformes."
Un endettement risqué
"Je trouve ça particulièrement vicieux", s'exclame Audrey. Celle qui tient le compte Instagram Vos stars en réalité, qui dénonce les publicités illégales et les arnaques promues par des influenceurs, déplore qu'"en faisant passer ça pour un challenge, on peut ne pas se rendre compte qu'il s'agit d'un établissement de crédit".
Elle critique aussi le choix de faire cette publicité sur TikTok. "C'est particulièrement sensible car le public y est plus jeune et donc plus vulnérable. Avec la hausse du coût de la vie, des jeunes peuvent cliquer et être tentés pour emprunter quelques milliers d'euros, mais ça peut être le début d'une spirale d'endettement."
L'UFC-Que Choisir alerte régulièrement sur les risques associés aux crédits à la consommation et aux mini-crédits, qui peuvent s'accompagner de taux d'intérêt élevés et de pratiques de recouvrement "scandaleuses".
Contactées, deux des trois comptes ayant publié les vidéos #prejugecofidis (@manondelsolll et @domixyani) n'ont pas immédiatement répondu à Tech&Co, tout comme la DGCCRF.