"Je regrette ce que j'ai dit dans le passé": Sardoche, un streamer contesté mais prêt au mea-culpa

"Mais c'était sûr, c'était sûr en fait!", cette phrase, vous l'avez peut-être entendue ou vue sur les réseaux sociaux. Derrière ce qui est devenu un mème, se trouve le streamer Sardoche - Andréas Honnet de son vrai nom. Du haut de ses 31 ans, il est l'une des figures sur la plateforme Twitch avec plus de 1,2 million d'abonnés.
Une figure, oui, mais qui est loin de faire l'unanimité. Objet de plusieurs controverses, notamment dans des publications anciennes traitant de l'actualité politique et nationale, il est régulièrement pointé du doigt lorsqu'il en vient à participer à des événements comme la Zlan, dont l'édition 2025 démarre ce 18 avril.
Pour Tech&Co, il s'explique sur ses positions et les controverses dont il fait l'objet, regrettant certains de ses propos et actes.
Le "geek originel" à l'assaut des performances
Celui qui se décrit comme "le geek originel" raconte comment, lors de soirées, il démontrait ses talents à Guitar Hero. C'était en 2007 et c'est comme cela que tout a démarré: "Je faisais des lives sur Facebook, j'avais 3 ou 4 spectateurs, c'était bien avant Twitch. J'avais 13-14 ans. Le vrai streaming, ça a commencé quand je suis devenu très fort à League of Legends."
Sa "carrière", il la démarre finalement quelques années plus tard, en 2014, en écrivant au passage des guides sur le site spécialisé jeuxvideo.com. Il se forge alors une petite communauté. "J'ai démarré en commentant mon gameplay et je faisais partie d'une équipe qui était l'une des meilleures françaises et ça m'a permis de décoller."
Grâce à sa présence sur Corobizar.com, une structure de streaming qui diffusait en direct sur Dailymotion, sa chaîne Twitch connaît ses premiers succès, jusqu'à dépasser la dizaine de milliers de spectateurs en direct.
Ce succès, il le doit, selon lui, "à son niveau de jeu" sur League of Legends. C'est d'ailleurs ce qui motive Sardoche à parfois streamer pendant plus d'une dizaine d'heures: "Ça n'aurait pas fonctionné si le niveau n'était pas à la hauteur. Car même quand je ne mets pas la caméra ou le micro, je continue à avoir quelques milliers de personnes. Il y a des gens qui veulent voir de la performance pure."
C'est cette volonté de toujours vouloir aller plus haut dans les classements qui motive ce trentenaire - qui a intégré l'Ecole nationale supérieure d'informatique - à jouer. "Les jeux chills, ça m'embête, je sais que ça fait du bien à ma communauté car ça les fait respirer entre deux moments où j'essaye et réessaye, mais je pense que je deviendrais chiant si je transformais ma chaîne en simple 'let's play' sur des jeux calmes."
Sardoche revendique aussi vouloir streamer pour "sa" performance, pas pour ses abonnés. Il admet néanmoins volontiers qu'il veut montrer ses capacités à réussir, après de longs entraînements, à ses spectateurs: "Les gens ne se rendent pas compte quand quelqu'un arrive à un haut niveau d'une compétition, qu'elle soit sportive ou virtuelle, il a fallu derrière s'entraîner des heures durant."
Twitch? "Un support psychologique"
C'est peut-être pour cette raison que Sardoche est peu présent sur Youtube: "J'ai essayé de le faire en tentant de faire le meilleur speedrun (temps pour terminer un jeu) sur The Legend of Zelda: Breath of the Wild, mais comme j'ai pas l'habitude de faire ça sur Youtube, la communauté elle n'a pas été au rendez-vous."
Face à la problématique du burn-out qui touche de plus en plus de streamers et youtubeurs, Sardoche relativise: "Twitch, ce n'est pas un devoir pour moi, c'est un support psychologique pour ne pas abandonner ce que je fais."
Il explique n'avoir "aucun regret" lorsqu'il tente des performances dans les jeux video: "A la fin, si tu y arrives, les gens voient que je n'ai pas abandonné. Ils pourront peut-être se reconnaître en moi pour essayer de ne jamais abandonner et accomplir des choses. C'est ce que je veux insuffler."
A Tech&Co, il raconte n'avoir "jamais voulu arrêter", même lorsqu'il a été pris dans plusieurs polémiques: "Certains streamers m'ont dit d'arrêter. Mais ça me rend fou d'entendre ça, j'ai le défi de survivre à ceux qui me détestent. Pour ça, je trouve du plaisir dans ce que je fais, je prends soin de ma santé, je ne bois pas, je ne prends pas de drogue, je ne fume pas, j'ai ma copine et je fais du sport trois fois par semaine, je serais encore là dans de nombreuses années."
"Je regrette ce que j'ai dit dans le passé"
Mais le streamer a un versant plus sombre. Accusé de cyberharcèlement et d'incarner une masculinité toxique, Sardoche a souvent été sujet aux controverses revendiquant des idées politiques plutôt axées à droite, dans un milieu qui penche plutôt à gauche.
Entre 2017 et 2019, il multiplie les provocations, tenant parfois des propos ouvertement sexistes ou insultants. Des publications sur X qui ont depuis été supprimées, comme le démontre le média Slate en 2020.
Lorsqu'on demande à Sardoche ce qu'il pense de ces polémiques, et s'il regrette certains de ses propos, il répond sans détour: "Je regrette certaines choses que j'ai dites dans le passé car je n'ai sans doute pas évolué assez vite. J'ai eu des positions arrêtées sur certains trucs en me pensant plus intelligent que tout le monde."
Il est également pointé du doigt pour avoir entrenu une relation en 2018 avec une jeune fille mineur de presque 17 ans alors qu'il en avait 24: "C'était consenti et il n'y a pas eu de problèmes, mais on a sorti des messages décontextualisés" martèle-t-il encore aujourd'hui. "On m'a donné une image de pervers alors que ce n'était pas le cas. Mais j'ai conscience que ça aurait pu, au contraire, mal se passer (pour elle, NDLR). J'ai toutefois considéré que j'avais fait une bêtise, mais je n'ai pas besoin de le crier sur tous les toits."
Cette réputation "très extrême", selon ses propres dires, ne colle pas à sa personnalité d'aujourd'hui, assure-t-il,
Contactés par Tech&Co, plusieurs streamers - qui ont souhaité rester anonymes - continuent de lui reprocher son comportement passé, le jugeant toujours infréquentable.
"Beaucoup de gens se sont fait une idée de moi ou s'en font une avec des extraits de stream ou des publications sur les réseaux sociaux d'il y a plusieurs années" juge-t-il, expliquant être victime de cyberharcèlement régulièrement.
"Dès que j'apparais dans un tournoi, que je participe à un stream avec quelqu'un, un petit groupe va ressortir des propos sortis de leur contexte pour tenter de me nuire," explique Sardoche.
Il montre un site sur lequel sont répertoriées toutes ses vidéos diffusées à l'origine en direct, suivies d'une transcription. Une simple recherche via un moteur de recherche dédié permet de retrouver des séquences avec un mot-clé en particulier.
Il ne se fait pas pour autant d'illusion: "Maintenant que je suis une cible, et je ne peux rien dire qui ne soit pas manipulé derrière. C'est d'autant plus le cas depuis la monétisation des publications sur X, ce qui fait venir des personnes qui vont me citer uniquement pour créer du trafic et donc de l'argent. C'est facile avec moi, car beaucoup de gens ont un biais de confirmation."
Personnalité contestée, Sardoche est depuis l'annonce de sa participation à la Zlan, un événement compétitif organisé par Zerator (à qui l'on doit le Zevent), la cible de nombreuses critiques.
Sardoche et sa "réputation difficile"
"Je ne veux pas donner du pouvoir à ceux qui me harcèlent en m'excusant de choses passées et que je regrette éventuellement. Mais ça m'inquiète que des personnes s'attaquent à ma copine dès qu'elle démarre un projet," lâche-t-il.
Il confirme toutefois l'impact de l'image qu'il peut renvoyer: "Je vais streamer avec moins de gens, moins de sponsors aussi, donc moins d'argent, mais je vais gagner 7.000 euros par mois au lieu de 50.000 euros par mois. Mais 7.000 c'est magnifique déjà quand on fait ce qu'on aime."
Dans un univers, celui du streaming, où la prise de position politique est difficile, Sardoche regrette aussi "un manque de courage" de la part de ceux avec qui il pouvait travailler par le passé.
Zerator a ainsi publiquement expliqué que Sardoche avait été accepté dans les effectifs de la Zlan "conformément au règlement du tournoi". Tout en soulignant qu'il "ne cautionne absolument pas tous les agissements et les pensées de tous les participants de toutes mes compétitions"... Une façon pour Zerator de prendre ses distances avec celui qu’il avait encore convié au Zevent entre 2017 et 2021 - il avait par ailleurs été invité à l'édition 2022, mais n'avait pas pu s'y rendre pour raison personnelle.
"Sur Twitch, ce sont des potes de travail," souffle Sardoche à Tech&Co. "Ce ne sont pas des gens que tu vas conserver pendant des dizaines d'années."
Interrogées par Tech&Co et sous couvert d'anonymat, plusieurs personnalités du milieu du streaming confirment qu'il est "compliqué" de collaborer avec Sardoche: "C'est compliqué, car même si ce n'est plus la même personne qu'en 2018-2019, les gens s'en souviennent," précise l'une d'elles.
"Il a une réputation difficile, et peu de gens lui font des cadeaux, notamment sur X, je regrette de plus pouvoir faire de choses avec lui, mais c'est devenu invivable," confie une autre.
Sardoche, lui, explique à Tech&Co avoir évolué: "Je regrette l'époque où j'avais une communauté vraiment toxique qui pouvait réagir violemment à certaines de mes publications où je citais quelqu'un." Il ajoute néanmoins qu'aujourd'hui, cette communauté a changé: "Quand je le fais aujourd'hui, et même si je le fais beaucoup moins, il n'y a plus d'insultes, ils ont gagné en maturité. Mais quand tu as une communauté toxique, elle est aussi à ton image," admet-il.
Ce 18 avril et jusqu'au 20, Sardoche tentera de faire oublier ses démons et à réaliser la meilleure performance possible. Un nouveau défi pour celui qui place la rage de vaincre et la réussite au premier plan: "Je veux montrer que j'ai changé, mais je veux aussi garder mon franc-parler," conclut-il auprès de Tech&Co.