Influenceurs, publications sponsorisées... Comment la promotion de l’alcool pullule sur les réseaux sociaux

Plus de 11.300. C’est le nombre de contenus faisant la promotion de l’alcool, avec 802 marques identifiées, sur les réseaux sociaux relevés par les associations Avenir santé et Addictions France au cours de ces dernières années.
Entre juin 2021 et janvier 2024, elles ont observé le marketing de l’alcool sur ces plateformes, dévoilant dans un rapport publié ce jeudi 26 septembre comment les marques et les influenceurs incitent notamment les jeunes utilisateurs à consommer de l’alcool.
Le nombre de contenus illégaux relevés "n’est que la partie émergée de l’iceberg parce qu’il y en a beaucoup plus", souligne Franck Lecas, responsable du pôle "projets politiques publique" de l’association Addictions France, auprès de Tech&Co.
Près de la moitié des contenus illégaux publiés par des influenceurs
Dans le détail, les contenus valorisant l’alcool ont principalement été repérés sur Instagram, qui a d’ailleurs été condamné à ce sujet en février dernier, et Tiktok. Sur ces 11.300 publications, 10.963 provenaient de marques, comme Aperol Spritz ou Heineken, et d’influenceurs.
Plus précisément, 5.503 ont été émis par 483 influenceurs. L’association Addictions France a contacté 276 de ces derniers pour les informer que leurs publications étaient illégales, comme l'énonce la loi Evin qui encadre la promotion pour l’alcool.
Selon la loi, l’alcool ne peut en effet "pas être présenté sous un angle favorable ou attractif" précise l'association. Les mentions légales sur l'abus de consommation d'alcool et l'apposition d'une mention "publicité" sont par ailleurs obligatoires.
Si 87 influenceurs ont retiré leurs contenus, 134 n’ont pas cessé leurs pratiques. Leurs publications ont touché 124 millions d’abonnés cumulés, pour plus de 5,7 millions de likes.
L’association souligne en outre que seuls 60 des 276 influenceurs sont détenteurs du certificat de l’Influence Responsable, obtenu après une formation sur les règles éthiques et juridiques de l’influence commerciale. "Alors qu’ils étaient censés connaître et donc respecter la loi, ils ne l’ont pas fait", déplore-t-elle.
Échapper au contrôle
Concernant les contenus publiés, les influenceurs ont tendance à privilégier les stories, ces publications éphémères sur Instagram. Celles-ci représentaient plus de 70% de leurs publications valorisant l’alcool en 2023. Et, ce n’est pas pour rien.
"Le problème avec les stories, c’est que ce sont des contenus volatiles, éphémères. Autant sur une publication, il est possible d’agir avec des moyens juridiques, mais sur une story, c’est beaucoup plus délicat de faire constater les faits et d’avoir des preuves suffisantes", explique Franck Lecas.
Autrement dit, faire la promotion de l’alcool à travers des stories est un moyen pour les influenceurs d’échapper au contrôle. Outre ces contenus, l’association Addictions France signale aussi les publicités interstitielles, soit des messages publicitaires qui s’intercalent dans le fil d’actualité des utilisateurs sur Instagram ou qui apparaissent dans leurs stories. Reconnaissables avec la mention "Sponsorisé", ces publicités sont considérées comme intrusives car elles s’imposent aux utilisateurs.
Un impact clairement établi
Ce marketing de l’alcool sur les réseaux sociaux fonctionne, au détriment de la santé des jeunes utilisateurs. Selon une étude de l’École des Hautes Études en Santé Publique réalisée dans le cadre du projet de l’association, 79% des 15-21 ans y voient des publicités pour de l’alcool toutes les semaines. Parmi eux, 25% en voient même tous les jours.
Pire encore, 25% des jeunes ayant vu ce genre de contenus ont eu envie de boire ou de faire la fête. "L’impact du marketing sur la consommation, il est clairement établi", pointe Franck Lecas, précisant que cela est renforcé lorsqu’un influenceur en fait la promotion. Or, le cerveau arrivant à maturité à l’âge de 25 ans, il est plus vulnérable aux conséquences de l’alcool, qui peut notamment avoir des conséquences néfastes sur la capacité d’apprentissage des jeunes.
Face à ces constats, Addictions France appelle, entre autres, à interdire la promotion de l’alcool sur les réseaux sociaux. Cela permettra non seulement de protéger les jeunes, mais aussi de ne pas lutter longuement pour la suppression de ces contenus problématiques. À titre d’exemple, alors que l’association a porté plainte contre Meta, la maison mère d’Instagram, en juillet 2022 pour supprimer des publications illégales, ce n’est qu’en septembre 2024 qu’elles ont été retirées, l'entreprise ayant fait appel de la première condamnation.
"C’est pour ça qu’on préconise l’interdiction de la promotion de l’alcool sur les réseaux sociaux. On peut agir en justice, mais 300 jours après la parution d’une publication, et encore, c’est court pour la justice, obtenir sa suppression, est-ce que c’est efficace? Le mal est déjà fait", déplore Franck Lecas.