États-Unis: un projet de loi du Michigan entend prohiber la pornographie, les VPN, l’ASMR et l'expression de personnes transgenres

Le Sénat des États-Unis (image d'illustration). - AFP
Comme un air de prohibition 2.0, la législation américaine se durcit. Une nouvelle proposition de loi appelée “Anticorruption of Public Morals Act” (loi anti-corruption des mœurs publiques, ndlr) a été présentée au Michigan le 11 septembre 2025 par le représentant républicain Josh Schriver. Ce projet vise à interdire la distribution en ligne de tout contenu jugé “corrompant les mœurs publiques”.
Sa définition englobe non seulement les actes sexuels explicites, mais aussi toute représentation, description ou simulation de ces actes, qu’ils soient réels, animés, générés numériquement, écrits ou audibles. Les mesures prévoient des peines allant jusqu'à 20 ans de prison et des amendes pouvant atteindre 100.000 dollars, notamment la distribution de pornographie en ligne.
Une portée importante et affolante
Mais la portée de cette loi est extrêmement large. Elle ne cible pas seulement la pornographie évidente, mais également la littérature érotique, les jeux vidéo et films avec scènes sexuelles, ainsi que les contenus associés à la sexualité comme le BDSM ou encore les contenus dits ASMR à connotation érotique, pour l'instant. Des créations culturelles ou artistiques telles que des films comme 50 nuances de Grey ou Quand Harry rencontre Sally pourraient être criminalisées selon cette définition étendue.
Dans une publication sur les réseaux sociaux du 17 septembre, le représentant républicain a déclaré que le projet de loi “vise à éradiquer la pornographie. Ni plus ni moins. Je rédige actuellement un amendement visant à supprimer certains aspects de la loi afin de préciser son seul objectif… l'éradication de la pornographie”.
Ce projet de législation inclut aussi une clause particulièrement controversée et liberticide, qui interdit "toute représentation ou simulation mettant en scène une personne se présentant comme appartenant au sexe opposé par le biais de vêtements, maquillage ou prothèses, ou revendiquant une nature reproductive contraire à son sexe biologique", lit-on dans le texte du projet de loi.
Ce texte pourrait ainsi aboutir à interdire non seulement la publication de photos ou vidéos de personnes transgenres mais purement et simplement leur expression libre en ligne. Une grave atteinte aux libertés fondamentales et aux droits humains.
Attaques contre les VPN
Au-delà des contenus interdits, la loi veut imposer aux fournisseurs d’accès à internet l’obligation de déployer des technologies de filtrage pour empêcher les résidents du Michigan d’accéder à ces contenus. Cette mesure laisse peu de place à un contrôle judiciaire préalable, ce qui pourrait entraîner un blocage excessif de contenus par crainte de sanctions.
Par ailleurs, la loi exige aussi la surveillance et le blocage actifs des outils de contournement tels que les VPN, largement utilisés pour garantir la sécurité ou contourner la censure, interdisant de fait leur usage et leur commercialisation. Le projet porté par Josh Schriver marque ainsi un tournant autoritaire inédit dans la régulation des contenus en ligne aux États-Unis, par son ampleur et ses moyens techniques.
Encore en cours d’examen
La proposition de loi est encore en cours d’examen et fait face à des critiques juridiques, notamment sur son éventuelle incompatibilité avec les protections constitutionnelles américaines, telles que le "Premier Amendement". Son avenir politique reste incertain, mais elle illustre la polarisation croissante autour des questions d’expression sexuelle et d’identité de genre dans le paysage politique américain.
Le quotidien régional Detroit Free Press note, de son côté, que “Schriver, considéré comme l'un des membres les plus conservateurs de l'Assemblée législative de l'État, a déjà évoqué d'éventuelles modifications de la loi, sans toutefois préciser précisément comment elle serait modifiée.” S'il est adopté, le projet de loi entrerait en vigueur après 90 jours.