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Cyberharcèlement: une députée prise pour cible par des antivax raconte son calvaire au procès

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La députée Horizons (ex-LREM) Isabelle Rauch avait été la cible d'un raid numérique d'internautes membres d'un groupe anti-vaccination en 2021. Les onze personnes jugées risquent trois ans de prison et 30.000 euros d'amende.

"Je ne vous souhaite jamais, jamais, de vivre ce que j'ai vécu". Devant le tribunal correctionnel de Paris, la députée de Moselle Isabelle Rauch s'est remémoré la "déferlante de haine" dont elle a été victime durant la pandémie, au deuxième jour du procès pour cyberharcèlement de onze internautes antivax.

"Isabelle Rauch, vous êtes la propagande de la nouvelle dictature sanitaire", une "criminelle de santé", "complice de génocide psychologique", "collabo d'un système nazi"... Au printemps 2021, la parlementaire Horizons (ex-LREM) animait encore sa page publique sur le réseau social Facebook. Deux publications, l'une sur le démarrage de la campagne de dépistage du Covid-19, l'autre appelant à la modération dans le débat public sur le sujet, avaient été ciblées par des raids numériques de la sphère antivax.

Ces commentaires virulents, plus de 1.700 au total, avaient fusé en l'espace de quelques instants. Depuis lundi, onze personnes sont jugées pour harcèlement moral en ligne envers la députée, mais également envers la sénatrice PS Nicole Bonnefoy (Charente) et le médecin au CHU d'Amiens-Picardie Michel Slama, attaqués de façon similaire au printemps et à l'été 2021.

"Je me suis sentie impuissante"

Six prévenus, aux âges, catégories socioprofessionnelles et horizons divers, ont comparu ce mardi. Ils ne se connaissent pas, mais tous échangeaient à cette période sur le groupe de messagerie Telegram des "V_V", un groupe d'antivaccins né en Italie et réunissant plusieurs centaines de sympathisants en France.

Sur ce canal, des publications (souvent en faveur de la politique vaccinale du gouvernement) leur étaient relayées, accompagnées d'un florilège de messages de haine à y inscrire en commentaires, de concert et par simple "copier-coller", comme l'ont relaté les prévenus durant le procès. Ils risquent jusqu'à trois ans de prison et 30.000 euros d'amende.

"Devant cette déferlante, cette haine, je me suis sentie impuissante", a confié Isabelle Rauch, émue à la barre du tribunal, disant n'avoir toujours pas "digéré" d'être ainsi "jetée en pâture" sur la toile.

Troubles du sommeil, cauchemars, stress post-traumatique... Ces attaques lui avaient valu une ITT de dix jours, a rappelé le président. Depuis, la députée Horizons raconte aussi s'être "autocensurée" par crainte d'être attaquée, en ligne ou physiquement, laissant à son équipe parlementaire la main sur sa communication.

"Vous ne les connaissiez même pas, ses propos !"

A la barre, Fabrice M., surnommé Fabri chez les "V_V", est formel: "Ce n'était pas dans le but de nuire à Mme Rauch, mais celui d'ouvrir le débat par rapport à ses propos", a assuré l'homme de 47 ans. "Mais vous ne les connaissiez même pas, ses propos !", a réagi le président, pointant du doigt le caractère presque automatique et irréfléchi de ce type de harcèlement.

S'estimant, comme les autres membres du groupe, partisan de la "non-violence", le prévenu s'est par la suite excusé auprès de la députée, reconnaissant avoir utilisé des mots "forts".

Des mots qui, selon son avocate Anne-Sophie Dreuil, ne sont toutefois pas comparables à des menaces de mort ou de viol, comme cela avait été le cas dans l'affaire de l'adolescente Mila dont les cyberharceleurs ont été jugés en 2021.

Des prévenus, comme Emmanuelle G. alias Gabrielle Meraki, quadragénaire de région parisienne à la tête d'une entreprise dans l'informatique, ont dit regretter leurs propos a posteriori. "Je ne pensais pas que c'était du harcèlement", a-t-elle tenté de justifier. Quant à François. B., 57 ans, il ne "connaissai(t) pas la signification du terme juridique de cyberharcèlement".

Quoi qu'il en soit, Isabelle Rauch a dénoncé l'"impunité" avec laquelle avaient agi ces internautes. "On croit que l'on peut dire ce que l'on veut car on est derrière un écran, que c'est sans conséquence. En fait, non. Dans l'espace numérique, il y a des choses qu'on n'a pas le droit de faire."

Le procès est prévu pour durer jusqu'au 9 octobre.

L.C. avec AFP