"Discrétion assurée": comment ces mini téléphones de la taille d'un briquet circulent en prison

Le modèle L8 Star, la référence des mini téléphones. - capture d'écran / parquet de Paris
Nom de code de l'opération: Prison Break. Il faut dire que l'histoire semble tout droit tirée d'un film d'espionnage. Ce mardi 20 mai, la section de lutte contre la cybercriminalité du parquet de Paris a organisé des perquisitions simultanées dans 66 lieux de détention en France et près de 500 cellules.
L'objectif? Saisir des téléphones miniatures qui circulent illégalement entre les détenus. Ces appareils, de la taille d'un briquet offrent en effet un avantage loin d'être négligeable. Selon Oportik, l'entreprise soupçonnée d'être à l'origine de la commercialisation de milliers de mini-téléphones, ces dispositifs sont "100% indétectables aux portiques de sécurité et aux détecteurs de métaux".

5.000 téléphones de la taille d'un briquet
Résultat, selon un communiqué du parquet de Paris, plus de 5.000 de ces mini-téléphones sont en circulation. Une grande majorité d'entre eux ont ainsi pu passer les portiques de sécurité des prisons, en toute impunité. Certains ont ainsi été utilisés depuis les cellules pour du trafic stupéfiant, des escroqueries, des dégradations et mêmes des tentatives de meurtre commanditées.
Le site d'Oportik a depuis été saisi et fermé. Mais sur Wayback Machine, il est possible d'accéder aux archives du site et de voir la multitude de produits proposés. Au programme, plusieurs modèles de mini-téléphones, comme le L8star Nokia, "indispensable pour une discrétion assurée", des chargeurs en forme de bracelet, là encore "indétectable" et plusieurs micro clés USB.

Certains permettent uniquement de passer des appels et des messages. D'autres disposent d'une caméra intégrée et d'une connexion 4G. Ils sont vendus entre 29 euros pour le L8 Star - "la référence dans le milieu des mini téléphones invisibles" - et 160 euros pour le modèle le plus avancé. Seul inconvénient, ce dernier modèle doit être passé en deux fois pour passer la sécurité des portiques.
La majorité de ces téléphones, qui semblent avoir été achetés sur des sites chinois comme Aliexpress ou sur Amazon, sont ensuite "déplaqués" par l'entreprise, soit dépouillés de la plupart des pièces de métal pour qu'ils ne sonnent pas et testés à de multiples reprises.

Dans sa FAQ, Oportik précise chercher à "faciliter le quotidien de nombreuses personnes" comme les magistrats, les juristes, les agents de sûreté ferroviaire, le personnel aérien et les agents de sécurité privé.
Des photos promotionnelles sur Snapchat
"Au sein de vos professions, le passage régulier par des portiques de sécurité vous oblige à retirer vos téléphones portables et autres accessoires régulièrement. Simplifiez vous la vie et optez pour un matériel peu encombrant et discret", assure la société.
Pourtant, sur Snapchat, Oportik n'hésite pas à partager des clichés pris par les prisonniers eux-mêmes, qui n'hésitent pas à montrer fièrement à la caméra leur tout nouvel appareil. L'entreprise a déclaré 151.000 euros de chiffres d'affaires en 2023 selon les données publiées par le site Pappers.
De son côté, le parquet de Paris a interpellé trois fournisseurs sur le territoire français. Plusieurs téléphones seront également expertisés par l’Anssi (Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information) afin de vérifier l’éventuelle aspiration de données vers l’étranger.
En 2024, plus de 40.000 téléphones portables ont été saisis dans les prisons françaises, selon le ministre de la Justice Gérald Darmanin.