
Benoît Ciantar
"Un sport qui colle à ce que les Marseillais aiment": comment le hockey et les Spartiates ont conquis Marseille
Parler de sport collectif à Marseille revient généralement à parler de l'OM. Mais au cours d'une saison marquée par des exploits majeurs et un engouement populaire croissant, les Spartiates ont permis au hockey sur glace d'intégrer les conversations passionnées des fans de sport de la cité phocéenne.
Pour sa première saison en Ligue Magnus, compétition la plus huppée en France pour la pratique, le Marseille Hockey Club (MHC) a vécu une saison plus qu'encourageante. Les Spartiates ont pu compter sur une base solide de supporters, qui lui a permis de finir en tête au classement des affluences en championnat.
"Ça s'est joué sur le dernier match, on est la meilleure affluence de France devant Grenoble (...). On a terminé vers 4.100 personnes en moyenne et en tout, on a accueilli plus de 100.000 personnes" explique Frédéric Casadepax, plus connu sous le pseudonyme de "Basile Bilo", ou simplement "Bilo", par les supporters de l'OM et des Spartiates.
Le hockey sur glace "colle à ce que les Marseillais aiment"
Suivi par plus de 50.000 personnes sur X, ce passionné de football s'est laissé gagner par les émotions procurées par le hockey sur glace et a pris la tête de la communication des Spartiates sur les réseaux sociaux. En partageant de temps à autre les performances des hockeyeurs marseillais sur son compte personnel, "Bilo" a emporté dans son sillage des fans de l'OM, pour qui la saison 2023-2024 a été particulièrement difficile.
Un travail reconnu par Sebastien Guyon, un aficionado de la première heure, qui a connu les tribunes à peine garnies du palais omnisports. En 2019, avec d'autres supporters, celui-ci crée le groupe Unité Spartiate, qui réunit aujourd'hui "une cinquantaine" de sympathisants.
"Bilo et l'équipe événementielle ont réussi à fidéliser à travers différentes offres et à faire découvrir le hockey", selon lui. Afin d'attiser l'intérêt de nouveaux supporters, le prix des places reste en effet accessible au palais omnisports de Marseille: 14 euros en tarif normal, 10 euros pour les étudiants et 36 euros pour un pack famille (deux adultes et deux enfants).

"On a des familles, des supporters de l'OM, des gens qui sont devenus passionnés de hockey quand ils ont mis un pied à la patinoire..." détaille celui qui vit chaque match mégaphone à la main, ravi de voir "des personnes qui viennent, reviennent et finissent par rester".
Cette fidélité, les joueurs des Spartiates sont allés la chercher en faisant don de leur corps sur la patinoire. "Le sport en lui-même colle à ce que les Marseillais aiment: c'est très rapide, explosif, physique, ça ne s'arrête jamais... C'est un peu comme au Vélodrome: un tacle à la Di Meco, ça fait lever un stade", assure Bilo.
Au palais omnisports, une ambiance familiale et ardente
La ferveur croissante des supporters du MHC devient un argument de poids pour attirer de nouveaux joueurs. "Pendant les playoffs, on a fait guichet fermé en deux jours. L'ambiance était exceptionnelle: les gens ont répondu présent, il y avait des drapeaux partout... Les joueurs nous ont dit 'on était presque tétanisés, on avait jamais vu ça de nos vies, ça nous a mis des frissons'", confie Basile Bilo.
"Sur certains matchs, quand c'est compliqué, l'ambiance nous pousse énormément, c'est vraiment top", avouait le coach Luc Tardif sur le plateau de BFM Marseille en mars. Des propos confirmés par l'attaquant Maxence Leroux.
Si l'ambiance est plus familiale qu'au Vélodrome, les spectateurs ne transigent donc pas avec la passion revendiquée des supporters marseillais. "On est habitué aux chaudes ambiances, on garde l'esprit marseillais... On entend des enfants reprendre des chants que les grands chantent!", s'amuse Sébastien Guyon.
La proximité entre les fans et les hockeyeurs marseillais a aussi son importance. "Nos joueurs à la fin du match, ils vont au bar avec les supporters", raconte Bilo.
Cette frénésie en tribunes est évidemment dépendante de ce qui se déroule sur la patinoire. Et les joueurs de Luc Tardif Junior ont réalisé des performances XXL cette saison, symbolisées par la victoire arrachée contre le champion de France rouennais en novembre grâce à deux buts inscrits en quelques secondes.
Des prouesses qui ont permis aux Spartiates de se hisser à la cinquième place du championnat, alors que l'objectif principal était le maintien. De quoi se qualifier pour les playoffs de Ligue Magnus, phase finale au cours de laquelle les huit premières équipes s'affrontent dans une série de plusieurs matchs.
La belle aventure s'est finalement terminée en quarts de finale face aux futurs vice-champions de France bordelais.
Une superbe saison ponctuée par une défaite rageante
Ces dernières années, l'Olympique de Marseille a de nombreuses fois déçu ses supporters dans des moments décisifs: défaite en finale d'Europa League en 2018, campagne de Ligue des Champions désastreuse en 2021, éliminations par des clubs inférieurs en Coupe de France en 2021 et 2023...
Alors, lorsque les Spartiates ont été éliminés de justesse aux portes des demi-finales de Ligue Magnus contre Bordeaux le 20 mars, les Marseillais ont pu avoir le réflexe de croire en une malédiction cruelle, une sorte de culture de la "loose" qui aurait imprégné les sportifs de la cité phocéenne.
Mais cette élimination n'a rien d'un échec cuisant. Pour remettre en perspective le niveau de cette saison, Basile Bilo compare cette performance à un "quart ou une demi-finale de LDC" pour l'Olympique de Marseille. "La fin est triste car nos espoirs ont grandi à chaque exploit réalisé", résume-t-il.
Confirmer la saison prochaine
Malgré une déception finale, les Spartiates ont donc inscrit Marseille sur la carte du hockey sur glace en France. Grâce à de grandes performances et une ambiance ancrée dans un esprit familial et une ferveur croissante, le MHC est sur une pente ascendante.
Le club tentera de poursuivre sur sa lancée en se stabilisant en haut du classement de Ligue Magnus. Du côté des supporters, Sébastien Guyon espère continuer de convaincre de nouveaux adeptes. Unité Spartiate pourrait ainsi proposer des adhésions qui permettront de financer des déplacements et du matériel pour les tribunes.
"On est sur une saison exceptionnelle, tout le monde nous attendait au tournant (...). On s'est vu beaux et on a bien fait, puisqu'on est allé jusqu'au match 7 contre Bordeaux qui a fini finaliste contre Rouen, avec une équipe taillée pour être championne de France", résume Sébastien Guyon, qui espère voir son club atteindre les demi-finales cette fois-ci.
Le palet n'a pas encore pris la place du ballon rond dans le cœur des Marseillais. Mais une histoire d'amour, mêlant la glace de la patinoire et l'ambiance ardente des tribunes, est née entre les habitants de la cité phocéenne et les Spartiates.