Faut-il en finir avec MaPrimeRénov' et financer uniquement des pompes à chaleur?

Dans son projet de Budget 2023, le gouvernement a prévu de porter à 2,5 milliards d'euros l'enveloppe consacrée à MaPrimeRénov'. Pourtant, la Défenseure des droits, dans une décision publiée cette semaine, pointe du doigt "de graves dysfonctionnements techniques récurrents" du dispositif public d'aide à la rénovation énergétique MaPrimeRénov'. Mise en place en 2020 et pilotée par l'Agence nationale de l'habitat (Anah), MaPrimeRénov' vise à aider les Français modestes à rénover leur logement pour réduire leur consommation d'énergie et leurs émissions de gaz à effet de serre. Mais les rénovations globales des logements, qui permettent de réduire nettement la consommation d'énergie, sont rares. La Cour des Comptes avait par exemple estimé que le dispositif n'avait permis en 2021 de faire changer de niveau de performance énergétique que... 2.500 logements, contre un objectif de rénover 80.000 passoires thermiques.
Existerait-il un moyen plus efficace d'aider les Français à réduire leur consommation d'énergie et leurs émissions de gaz à effet de serre? En reprenant l'idée de Jean-Marc Jancovici, ingénieur spécialiste du climat et fondateur de The Shift Project, le financement des pompes à chaleur pourrait être la solution.
Il y a une semaine, Jean-Marc Jancovici estimait sur Linkedin qu'avec les 100 milliards d'euros déboursés par l'Etat pour le bouclier tarifaire entre 2021 et 2023 inclus, l'Etat aurait pu "payer environ 10 millions de pompes à chaleur air-eau, ou la moitié en géothermie".
Selon les chiffres du ministère de la Transition écologique, cités par Jean-Marc Jancovici, 41% des logements en France sont chauffés au gaz et 13% avec du pétrole (du fioul essentiellement). "Il y a en France environ 4 millions de logements chauffés au fioul et environ 12 millions de logements chauffés au gaz" explique ainsi Jean-Marc Jancovici.
Avec les 100 milliards d'euros, "nous aurions donc pu supprimer 15% du pétrole et 30% du gaz" consommés par les Français selon ses calculs.
Pour rappel, l'Ademe estime que "les pompes à chaleur (PAC), couplées à une énergie bas-carbone, sont un moyen de réduire les émissions de gaz à effet de serre liées au chauffage des bâtiments résidentiels ou tertiaires. Le gouvernement français a d’ailleurs fixé des objectifs ambitieux concernant les PAC: au travers de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), le ministère de la transition écologique et solidaire estime qu’en 2028, les pompes à chaleur participeront au remplacement de 10.000 chauffages au charbon et de 1 million de chaudières à fioul".
167.000 installations sur un an
Lors d'une conférence en 2018, Jean-Marc Jancovici expliquait déjà: "Si au lieu de mettre 100 milliards d'euros dans l'éolien et le solaire, on avait mis 100 milliards dans les pompes à chaleur, on pouvait payer une pompe à chaleur gratos à 10 millions de ménage. On aurait débarrassé la France de son fioul et de l'essentiel de son chauffage à gaz. On aurait supprimé 25% des émissions de CO² dans le pays, on aurait supprimé 15 milliards d'euros d'importations par an. Pourquoi on ne l'a pas fait? Tout simplement parce que les gens qui sont vocaux sur la question de l'énergie ne s'intéressent qu'à l'électricité et au nucléaire. Donc ils ont poussé les subventions aux énergies renouvelables électriques".
Si les 2,5 milliards d'euros de MaPrimeRénov' étaient réalloués uniquement aux financements à 100% de pompes à chaleur – en estimant qu'une pompe à chaleur coûte en moyenne 15.000 euros – cela aurait permis au gouvernement de financer environ 167.000 installations rien qu'en 2023. De même, si le gouvernement avait opté pour la subvention à 100% de pompes à chaleur plutôt que de rallonger la durée de la ristourne de 30 centimes par litre de carburant de fin octobre à mi-novembre (avec un budget de 440 millions d'euros pour 2 semaines), l'exécutif aurait pu financer l'installation de 29.000 pompes à chaleur.