Logement: Qui sont les Français expulsés et que deviennent-ils ensuite?

La trêve hivernale prend fin le 1er avril. (Photo d'illustration) - Alexandre Prevot – Flickr - CC
Ce vendredi 1er avril, la trêve hivernale prend fin. Pendant 5 mois, la plupart des procédures d'expulsion étaient suspendues, elles vont reprendre. La trêve hivernale est née après un appel de l'Abbé Pierre en 1954 et a été inscrite dans la loi en 1956. Initialement fixée du 1er décembre au 15 mars, elle a été étendue à plusieurs reprises. Depuis 2014, elle s'applique du 1er novembre au 31 mars. Pendant cette période, la loi interdit d'expulser l'immense majorité des locataires de leur logement. Depuis 2017, elle protège aussi les habitants des bidonvilles. Ce principe de trêve hivernale a étalement été étendue aux coupures de gaz et d'électricité.
Une enquête réalisée par la fondation Abbé Pierre s'intéresse au parcours de ces ménages expulsés. Elle a commencé par regarder le profil de ces derniers. Près de 68% des ménages ont été expulsés pour impayés de loyer. "Les autres motifs d’expulsions sont liés à 11% à une occupation sans droit ni titre, 9% à un congé vente ou reprise, 8% à un trouble du voisinage, et à 4% pour une autre raison (expulsion illégale et démolition ANRU)", précise l'étude. Ces impayés de loyers sont dus à 56% à une chute de revenus, liée ou non à une évolution de leur emploi, 15% à une évolution de leur situation familiale et 11% à un problème de santé. Sans surprise, la fondation Abbé Pierre note que "nombre d’entre eux disposaient de faibles ressources avant l’expulsion : 21% bénéficiaient du RSA, 17% de l’AAH (Allocation Adulte Handicapé), 12 % d’une retraite en moyenne inférieure à 1000 euros par mois, et 6 % des indemnités chômage".
Des conséquences trois ans après
Les femmes et les familles monoparentales (dont l’adulte est à 90 % une femme) sont davantage touchées par l’expulsion. La séparation peut aussi être l’une des conséquences de l’expulsion, souligne l'étude. Par ailleurs, en plus de la précarité s’ajoutent les mauvaises conditions de logement qui peuvent conduire à l’expulsion. "Dans les logements dégradés, voire insalubres, certains ménages, par méconnaissance du système, pratiquent la rétention de loyer pour pousser les propriétaires à faire des travaux ; mais cette action se retourne généralement contre eux et ils sont in fine expulsés pour impayés. D’autres, victimes de marchands de sommeil qui ne font pas signer de bail légal, ont été expulsés pour motif d’occupation sans droit ni titre (environ 11 % des personnes enquêtées), ou suite à un congé délivré par le bailleur", déplore la fondation.
Et que deviennent les ménages après l'expulsion? La fondation Abbé Pierre constate qu'un à trois ans plus tard, 32% des ménages n’ont toujours pas retrouvé de logement et vivent encore à l’hôtel, chez un tiers, dans d’autres formes de non-logement (mobile-home, camping, hôpital, squat, etc.), voire à la rue. Ceux qui ont retrouvé un logement ont passé en moyenne 11 mois sans logement personnel. "29% des personnes enquêtées n’ont pas pu poursuivre leur activité professionnelle en raison de l’expulsion, et celle-ci a eu des impacts sur la scolarité de 43% des ménages avec enfants (décrochage scolaire, troubles du comportement, problèmes de concentration). Enfin, 71% des ménages déclarent faire face à des problèmes de santé ou des difficultés psychologiques liés à l’expulsion".
Méthodologie :
Enquête réalisée en 2021 et 2022 par des étudiants de Master de l’université Panthéon-La Sorbonne auprès de 66 ménages accompagnés majoritairement par des associations du réseau Accompagnement aux droits liés à l’habitat, ou ayant contacté la plateforme Allô Prévention Expulsion de la Fondation.