BFM Immo
Location

"Des propriétaires veulent se faire justice eux-mêmes": retirer les fenêtres à un locataire, une pratique illégale

Une personne avec une couverture (photo d'illustration)

Une personne avec une couverture (photo d'illustration) - Pixabay

Il est formellement interdit à tout bailleur de retirer les fenêtres et les portes de son locataire, même lorsqu'il n'a pas payé le loyer. Et encore moins en pleine trêve hivernale. Des procédures juridiques existent pour régler ces problèmes.

"Pour les propriétaires malveillants, tous les moyens sont bons pour pousser les locataires vers la sortie", regrette Éric Constantin, délégué régional de la Fondation Abbé Pierre en Île-de-France. Jusqu'à retirer les portes et les fenêtres d'une locataire en pleine trêve hivernale.

Comme le rapporte France 2, dans le Pas-de-Calais, avec une famille qui vit dans le froid depuis près d’une semaine. La mère raconte que des ouvriers se sont présentés, officiellement pour remplacer les portes et fenêtres, mais qu'ils ont laissé la maison désossée. Contacté par la chaîne, le propriétaire assume son geste et explique que la famille n'a pas assuré la maison et qu'elle lui doit 5 mois de loyer.

"On a déjà eu ce genre de cas", se remémore Éric Constantin auprès de BFM Business. "Il arrive aussi que des propriétaires commencent des travaux et ne les finissent pas, ils abattent des murs et laissent tout en l'état. Lorsque les toilettes sont sur le palier, ça arrive aussi qu'ils les condamnent", énumère-t-il.

Des pratiques illégales

"Cette histoire ne me surprend qu'à moitié", abonde Louis du Merle, directeur juridique de l'Anil (l'Agence nationale pour l'information sur le logement) à BFM Business.

"Le propriétaire qui change la serrure à l'insu du locataire, c'est aussi un classique."

Or toutes ces pratiques sont formellement illégales, explique ce spécialiste. Il appelle les locataires qui se retrouvent dans ce genre de situations à effectuer un signalement sur la plateforme Histologe, présente dans 80 départements.

"En plus, c'est complétement contre-productif pour le propriétaire qui peut se voir imposer des travaux, à sa charge, pour remettre les lieux en état", poursuit-il. Mais selon Éric Constantin, ces propriétaires misent souvent sur le fait que les locataires, déjà précaires, ne porteront pas plainte, notamment parce qu'ils ne pourront pas avancer les frais juridiques.

Différentes aides financières

En cas de situation d'impayés, l'Anil appelle donc les propriétaires à ne surtout pas user de ces moyens illégaux. "Il faut essayer d'entamer un dialogue avec le locataire qui est en retard de loyer, est-ce qu'il s'agit d'un problème conjoncturel ou structurel. Et il ne faut pas rester seuls, le propriétaire et le locataire peuvent se faire accompagner", explique-t-il.

Il existe notamment des aides communales, départementales, de la CAF ou d'Action Logement. Mais face aux impayés, certains bailleurs franchissent la ligne rouge.

"On observe une recrudescence des propriétaires qui veulent se faire justice eux-mêmes", remarque Éric Constantin.

Une observation concomitante selon lui avec la promulgation de la loi Kasbarian dite "anti-squat". "Depuis cette loi et le message politique d'impunité qui a été envoyé, certains propriétaires pensent qu'ils sont dans leur bon droit et qu'ils peuvent virer des locataires", témoigne-t-il. En réalité, c'est le rôle de la justice d'examiner la situation, les tords de chacun et de trancher.

Marine Cardot