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"Nous avons besoin de la puissance publique": l'appel à l'aide du mouvement HLM qui peine à construire de nouveaux logements

Un HLM à Thiais, au sud de Paris, le 21 janvier 2023.

Un HLM à Thiais, au sud de Paris, le 21 janvier 2023. - Geoffroy Van der Hasselt / AFP

Le nombre de ménages en attente d'un logement social augmente de 6% chaque année depuis 2021. Le seuil des 3 millions de ménages en attente devrait être dépassé l'année prochaine. Dans le même temps, la création de logements sociaux ralentit.

Le mouvement HLM a de nouveau alerté sur ses difficultés à construire de nouveaux logements sociaux, en particulier ceux destinés aux ménages les plus modestes, et craint un désengagement de l'État vis-à-vis du logement social. "Nous avons besoin d'un retour de la puissance publique dans la politique du logement, nous ne voulons pas choisir entre production nouvelle et rénovations", a assuré Emmanuelle Cosse, présidente de l'Union sociale pour l'habitat (USH), qui représente les bailleurs sociaux, lors d'une "journée du logement social" à Nancy (Meurthe-et-Moselle).

Faut-il plus de rotation dans les logements sociaux ?
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En 2023, 72.400 logements sociaux ont été créés et loués. C'est 20.000 de moins qu'en 2015, tandis que le nombre de ménages en attente d'un logement social augmente de 6% chaque année depuis 2021 et dépasse désormais les 2,8 millions, d'après les données de l'USH. Le seuil des 3 millions de ménages en attente devrait être dépassé l'année prochaine, selon Christophe Bellégo, directeur des études de l'USH.

La création de logements sociaux ralentit "parce que les moyens financiers des organismes baissent, notamment à cause de toutes les augmentations de coûts de production et des ponctions mises en place sur le secteur", a expliqué Christophe Bellégo. Dans cette équation déséquilibrée par l'inflation et la hausse des taux d'intérêt, la part des subventions publiques est passée de 14% en 2000 à 7% en 2023.

Christophe Bellégo voit un lien direct avec la baisse de 50% en six ans de la production de logements PLUS (Prêt Locatif à Usage Social), qui correspondent aux habitations à loyers modérés, soit les "les logements les plus à même de répondre aux travailleurs modestes", ajoute-t-il.

Moins de subventions publiques

Pour construire ces logements PLUS, les bailleurs sociaux sont "pris en étau entre des loyers peu supérieurs aux logements PLAI", qui sont les logements aux loyers les plus bas et destinés aux ménages en situation de grande précarité, et des conditions de financement moins avantageuses, avec moins de subventions publiques et des intérêts d'emprunt plus élevés, détaille Christophe Bellégo. Il affirme que face à l'augmentation des coûts de construction et à la hausse du taux d'intérêt des emprunts des bailleurs sociaux à partir de 2022, faire sortir des immeubles de terre est devenu plus compliqué.

"Lorsqu'on veut remettre un peu de rentabilité dans une opération, on a tendance à équilibrer avec des logements PLS ou intermédiaires", qui prévoient des loyers plus élevés pour des ménages moins modestes, ajoute-t-il.

Un jeu d'équilibriste financier au détriment des PLUS. Quant aux logements PLAI pour les plus précaires, un quota de 30% est obligatoire dans chaque nouveau projet, mais leur production "est déficitaire économiquement" et a donc besoin des aides à la pierre de l'Etat via les collectivités, selon Emmanuelle Cosse. Or, le fonds national d'aides à la pierre (Fnap), principal outil de pilotage de la création de logements sociaux, est menacé, faute de financements prévus à partir de l'année prochaine.

Engager une discussion avec l'Etat

Un groupe de travail planche sur son avenir, mais "l'État a choisi de rendre un avis défavorable sur la résolution portant à 700 millions d'euros le financement de la rénovation et de la construction de logements sociaux pour 2026", rapporte l'association des intercommunalités de France. Mikaël Chevalier, vice-président de Dinan Agglomération et représentant des intercommunalités au Fnap craint que "l'Etat se désengage de l'accompagnement même du logement social".

Emmanuelle Cosse défend aussi le Fnap et souhaite "engager une discussion avec l'Etat" pour définir les montants des subventions, le nombre de logements à construire dont des PLAI avec ces subventions, au-delà du "débat sur le budget 2026". Pour redonner un peu d'air aux bailleurs sociaux, le gouvernement a inscrit dans son budget 2025 une baisse de 200 millions d'euros, une ponction annuelle appelée "réduction de loyer de solidarité" (RLS), dont l'arrêté a été publié la semaine passée.

Les bailleurs sociaux devraient aussi pouvoir compter sur une nouvelle baisse en août du taux du Livret A, sur lequel leurs taux d'intérêt d'emprunt sont indexés, qui pourrait tomber "probablement autour de 1,7%", selon Kosta Kastrinidis, directeur des prêts de la Banque des territoires.

D.L. avec AFP