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Mon promoteur fait faillite, quels sont mes recours?

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Aujourd'hui une forme d'alerte a lieu sur les chantiers de construction de logements. Un gros promoteur a annoncé il y a quelques jours son placement en redressement judiciaire. Un cas qui ne sera pas isolé et qui a déjà des conséquences concrètes sur les acheteurs de logements neufs.

C'est le groupe Réalités, promoteur nantais d'envergure nationale, qui a réclamé son placement en redressement judiciaire. Et pour cause un tiers de ses 60 chantiers en cours dans le pays sont à l'arrêt.

Parmi eux le chantier du "Domaine des Ormes" à Coupvray en Seine et Marne qui comprends environ 80 logements, dont plusieurs bâtiments collectifs et six maisons. Le chantier de Coupvray est à l'arrêt depuis juillet dernier. Selon des sources internes chez Réalités, il devrait pouvoir reprendre d'ici la fin du mois ou début mars, mais évidemment sans garantie à date.

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Pascal était l'un des premiers acheteurs du Domaine des Ormes à Coupvray. Le contrat avait été signé en 2020, pour une livraison prévue au départ en mars 2022. Il sera désormais livré au mieux en décembre 2025, voire début 2026. Et ces retards ont des conséquences très lourdes pour lui comme pour les autres acheteurs dans l'attente.

Le cas de Pascal n'est malheureusement pas isolé. Une vingtaine d'autres chantiers du promoteur Réalités sont à l'arrêt et pour les acheteurs, les possibilités sont assez limitées pour sortir de ce qui peut devenir un gouffre financier.

Que faire avec son crédit immobilier?

Si votre livraison prend trop de retard (attention dans le logement neuf collectif, il y a toujours un retard moyen "normal" d'environ un trimestre lié notamment aux intempéries diverses) la première chose à regarder est son crédit immobilier. Vous ne pourrez pas faire de miracle, mais alléger au moins un peu vos frais en jouant sur ce qu'on appelle le différé d'amortissement.

ll s'agit d'un système spécifique à un achat dans le neuf qui permet de décaler le poids du crédit, le temps de la construction. Concrètement, au fur et à mesure du chantier, à partir du 1er appel de fonds votre crédit va se déclencher avec le paiement de l'assurance du prêt et des intérêts sur les fonds débloqués. Les intérêts uniquement mais pas le capital ce qui réduit, de fait, énormément vos remboursements mensuels à la banque. Ce différé d'amortissement dure la plupart du temps 2 à 3 ans, le temps de la construction.

En cas de retard la première chose à faire est donc de demander une prolongation de ce différé d'amortissement à la banque. Demande que vous pouvez justifier avec un courrier du promoteur vous informant du retard de livraison.

Trois bémols. Tout d'abord, la banque n'est pas obligée d'accepter, mais elle a tout intérêt à le faire pour ne pas vous mettre dans une situation où vous pourriez, après, ne plus pouvoir rembourser.

Ensuite, même si cela vous soulagera quelques mois, ça alourdira aussi après le coût global du crédit. Et enfin, l'assurance de prêt n'est pas concernée et devra-t-elle continuer à être remboursée.

Existe-t-il des pénalités de retard ou des indemnisations possibles?

En VEFA, vente en état future d'achèvement, il n'y a pas de pénalités de retard juridiquement établies. Pour être indemnisé des retards par le promoteur, il n'y a donc que deux solutions.

Soit il faut signer un "protocole d'accord" à l'initiative souvent du promoteur lui-même et souvent, soyons honnêtes, en dessous du préjudice financier réellement subi par les acheteurs victimes des retards de livraison. C'est la solution à l'amiable. Méfiance quand même car ces protocoles s'accompagnent souvent d'un engagement à renoncer à toutes poursuites par ailleurs.

L'autre "solution" est d'engager une action en justice seul ou à plusieurs mais cela vous coûtera des frais d'avocats. Comptez 3.000 à 6.000 euros quand même. Attention si le promoteur n'est plus solvable, vous pourriez ne rien obtenir quand bien même la justice vous donnerait raison.

La garantie d'être livré malgré tout existe

Quand on achète un appartement neuf, le promoteur est obligé d'obtenir auprès d'une banque ce qu'on appelle la Garantie Financière d'Achèvement, la GFA. Une sorte d'assurance obligatoire qui prévoit qu'en cas de défaillance du promoteur, la banque prendra à sa charge l'achèvement de la construction en allant chercher un autre promoteur.

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Le point positif est que même si le promoteur fait faillite, je finirai par avoir mon logement. Les points négatifs sont que le process prend du temps et pourrait allonger encore le délai de livraison. Et aussi que cette garantie porte uniquement sur l'achèvement du chantier et pas sur l'indemnisation des acheteurs donc aucune garantie du remboursement du préjudice subi. D'autant que mon promoteur initial sera en faillite puisque cette garantie ne peut être activée qu'en cas de liquidation du promoteur.

Des faillites de promoteurs à venir, mais une lumière au bout du tunnel

Il y a un signe annonciateur des faillites à venir. Selon les professionnels du secteur, les banques prennent de plus en plus de renseignements sur l'application concrète de cette GFA. Car, à part dans de rares cas exceptionnels, cela faisait près de 20 ans qu'elles n'avaient pas été confrontées à cette nécessité d'activer cette garantie.

Un promoteur a confié à BFM Immo récemment "oh vous savez, personne ne va pleurer sur le sort des promoteurs".

On découvre quand même que de leur sort dépendent aussi les économies de vies entières.

Du côté de la Fédération des Promoteurs Immobiliers, on veut croire que la situation va s'améliorer. Son patron Pascal Boulanger parle d'un tournant décisif avec le nouveau budget, qui comporte "pour la première fois depuis 2017, dit-il, des mesures favorables au logement".

Marie Coeurderoy avec Diane Lacaze