Tag Energy et Neoen, deux concurrents pour le même propriétaire

Jacques Veyrat a-t-il créé le jumeau maléfique de sa pépite Neoen? L’investisseur est propriétaire depuis 2013 de la société spécialisée dans les énergies renouvelables. Il en détient encore 42% après l’avoir introduite en Bourse en 2018. Pourtant, quelques mois après, l’ancien patron du groupe Louis Dreyfus a lancé, en parallèle, un "mini-Neoen", baptisé Tag Energy.
En 2019, Jacques Veyrat finance le projet de Franck Woitiez et Damien Bonnamy, deux piliers de Neoen partis entreprendre en solo. Dès les premières années, ils débauchent plusieurs autres cadres dont six basés en Australie pour répliquer son modèle. C’est là que le bât blesse. La société dirigée par Xavier Barbaro a construit son succès en Australie qui héberge la moitié de ses parcs éoliens et photovoltaïques.
Au coude-à-coude en Australie
Au-delà des parcs, que d’autres concurrents construisent, Tag Energy propose des systèmes de batteries pour stabiliser le réseau électrique australien, ce que réclame le gouvernement. Exactement ce qui a fait le succès de Neoen ces dernières années… Sa petite sœur vient de signer le plus gros parc éolien terrestre au monde d’une taille de 1,2 gigawatt (GW), près de Melbourne. Au point qu’elle est devenue, en quatre ans, le deuxième acteur du secteur des énergies renouvelables en Australie derrière… Neoen!
Aujourd’hui, Tag Energy prévoit 5 GW de projets d’ici 2027 au Royaume-Uni, en Australie, en Espagne, au Portugal et en France quand celui de Neoen atteindra 10 GW l’an prochain. Une croissance fulgurante qui a poussé la start-up à s’ouvrir aux fonds d’investissement Mirova et Omnes, l’an passé en levant 550 millions d’euros. Rebelote cette année. Pour financer sa croissance exponentielle, Jacques Veyrat s’est associé à l’héritier de la famille Agnelli, John Elkann. Leurs sociétés, Impala et Exor vont investir 300 millions d’euros pour détenir 40% de Tag Energy. D’autres fonds d’investissement porteront le total de l’augmentation de capital à 1,2 milliard d’euros d’ici la fin de l’année.
Hors de question de mettre la « licorne » en Bourse qui est mieux valorisée par des fonds d’investissement. Ils acceptent un niveau de dette supérieur à ce que tolèrent les marchés financiers pour des sociétés cotées depuis l’augmentation des taux d’intérêt. Jacques Veyrat a été échaudé par la valorisation boursière de Neoen qui est retombée à 4,2 milliards d’euros, la même qu’il y a trois ans alors que la taille de ses projets a doublé. Il y a pourtant investi près d’un demi-milliard d’euros lors des deux dernières augmentations de capital : 260 millions d’euros cette année et 200 millions d’euros en 2021. Contactés, Jacques Veyrat et le PDG de Neoen, Xavier Barbaro, n’ont pas souhaité s’exprimer.
Tag Energy et Neoen, le "coup double"
"La vraie question est pourquoi Jacques Veyrat soutient une société qui concurrence Neoen", s’étonne un cadre d’Engie. "Patrick Pouyanné aussi a du mal à comprendre" note un dirigeant qui le connaît bien. Le PDG de TotalEnergies connaît bien Jacques Veyrat à qui il a racheté Direct Energie en 2017. L’essor de Tag Energy détonne dans le secteur. "Le marché des renouvelables est immense, assure un proche de Jacques Veyrat. Tag Energy n’affaiblit pas Neoen sinon il ne l’aurait pas fait". Les deux sociétés sont en réalité à deux stades de développement différents.
L’une est mature et l’autre en plein essor. Neoen a souvent été approchée par Engie et TotalEnergies qui rêvent de la racheter. Jacques Veyrat la vendra un jour et Tag Energy prépare la suite. C’est aussi une manière pour lui de faire "coup double" comme l’avait fait Pâris Mouratoglou en créant la filiale d’énergie renouvelable d’EDF. Dans la foulée, il avait relancé la même société, Eren Re, qu’il a vendu en 2017 à Total.